Parce qu’ils ont donné forme à des champs perceptifs inaccessibles, la lunette astronomique, le microscope ou les rayons X de la radiographie, ont, par le passé, bouleversé nos certitudes et renouvelé notre vision du monde. En faveur d’une perception humaine symboliquement et techniquement élargie, ces instruments optiques ont transcendé les limites naturelles de notre regard et ouvert notre imaginaire à des univers aussi inspirants qu’insoupçonnés, faisant de l’image scientifique une interface de dialogue possible entre l’art et la science 1. Au même titre que ces dispositifs optiques révolutionnaires, la caméra photo-thermique représente aujourd’hui pour les artistes contemporains un appareil extensif propice au développement de nouveaux langages et de méthodes alternatives d’observation du monde. Richard Mosse, Antoine d’Agata et Smith, parmi d’autres photographes et artistes contemporains qui seront analysés dans cet article, se sont approprié la vision infrarouge et ont contribué à faire de la thermographie un art en devenir pour résoudre une équation à plusieurs inconnues : celle de l’air, des atmosphères, de l’aura et du vivant.
Si les techniques de vision infrarouge, nées au début du XIXe siècle, comprennent à la fois les images de photographie infrarouge et les images thermographiques, ce sont essentiellement ces dernières qui seront analysées dans cet article. En saisissant des rayonnements thermiques invisibles à l’œil nu, la thermographie incite un changement de paradigme concernant la part visible du monde, c’est-à-dire un déplacement sensible et une variation de points de vue sur les phénomènes d’apparition. En donnant forme, par le biais d’une image, à des émissions invisibles de chaleur, elle articule le domaine du voir à celui du sentir, nous obligeant à considérer les limites biologiques et sensorielles du corps humain, autrement dit, à revoir la hiérarchie de nos sens (de la vision à la thermoception) autant que celle de notre place à l’échelle du vivant. Bien que la thermographie usurpe l’apparence de la photographie numérique, son régime de regard en diffère : de la lumière à la chaleur, c’est-à-dire d’une captation lumineuse à une captation calorifique, la thermographie (du grec thermos, chaud, et graphein, écrire) est un langage propre au rayonnement thermique (et non lumineux) dont l’esthétique n’a jusqu’ici pas vraiment été traitée, et sur laquelle cet article propose de dessiner un premier état de l’art.
Si, comme le suggère le bioartiste Stelarc, « l’artiste peut être un guide dans l’évolution qui extrapole de nouvelles trajectoires, qui restructure et hypersensibilise le corps 2», la caméra photo-thermique s’annonce alors comme un outil de choix pour développer des discours critiques en prise avec les crises actuelles. Dans le sillage des approches bioartistiques développées par Stelarc ou plus récemment AOO (art orienté objet), c’est-à-dire dans la lignée des pratiques entre arts et sciences qui s’appuient sur des prothèses pour réparer un rapport tronqué au monde, la caméra photo-thermique pourrait aussi être envisagée comme une extension palliative pour mieux se rapprocher des êtres et des milieux, revoir certaines croyances scientifiques et saisir les mouvements d’un monde ambiant que l’on avait trop souvent mis à distance. Telle est l’hypothèse de cet article. L’image de la prothèse sert de métaphore pour saisir la fonction amplificatrice et le potentiel réparateur de la caméra photo-thermique en tant qu’outil de recherche et de dénonciation des crises du Capitalocène 3, celles qui nous accablent sournoisement par défaut de visibilité. Le terme de prothèse a ici été retenu puisqu’il suggère le comblement d’un membre « fantôme », en l’occurrence, la vision d’une partie du spectre lumineux que l’œil humain ne peut atteindre sans une machine qui lui en propose une traduction visuelle. C’est d’ailleurs ce même terme qui revient dans certains entretiens donnés par Smith 4, photographe adepte de la caméra photo-thermique, pour décrire les possibilités créatives que lui offre cet outil pour observer le vivant. En faveur d’une extrapolation de nos sens, la vision infrarouge et son outil attitré, la caméra photo-thermique, amplifient le corps humain et ouvrent son champ perceptif à de nouvelles impressions. Mais au-delà du fantasme de l’œil bionique, comment la caméra photo-thermique élargit-elle notre perception à d’autres modes de sentir et nous aide-t-elle à pénétrer la chair du monde ? Pourrait-elle clarifier notre relation au vivant en période de poly-troubles ?
Au regard de l’attraction récente des artistes contemporains pour la caméra photo-thermique, cet article propose de faire un tour d’horizon des pratiques thermographiques dans l’art contemporain du XXIe siècle et des approches critiques qu’elles génèrent. Analyse d’œuvres à l’appui, les modalités de l’art thermographique, en tant que dispositif subversif de rapport au monde, seront ici mises en lumière. L’approche thermographique des artistes relevant presque systématiquement de critique capitalocénique, il s’agira de dégager les spécificités de cette technique contestataire et de soulever les premières questions éthiques que supposent la production et l’exposition d’images photo-thermiques. C’est enfin la série de thermographies Température, tempérament réalisée durant l’été 2024 dans le cadre de ma recherche-création sur la canicule, qui servira de conclusion ouverte sur les réflexions artistiques et théoriques précédemment esquissées.
La vision infrarouge pour (pré)sentir la menace
Il faut remonter au début du XIXe siècle pour repérer la découverte scientifique du spectre infrarouge. C’est en 1800 que l’astronome germano-britannique William Herschel révèle que le rayonnement thermique des corps physiques répond aux mêmes lois que celui du spectre lumineux 5. Les longueurs d’onde visibles par l’œil humain sont comprises entre 0,390 et 0,7 μm alors que le rayonnement thermique relève de fréquences basses en-dessous du rouge, entre 0,7 et 0,1000μm 6. Du latin infra, en-dessous et de l’anglais red, rouge, c’est le terme d’infrarouge qui a donc été retenu pour décrire cette partie du spectre électromagnétique invisible à l’œil nu. Jusqu’à aujourd’hui, la vision infrarouge décrit l’ensemble des dispositifs qui permettent de capter cette partie du spectre par télédétection. Elle comprend également ce qu’on appelle la vision nocturne mais, contrairement à ces images qui reposent sur un procédé photosensible, la thermographie ne nécessite aucune source lumineuse pour capter la chaleur. Cent cinquante ans de recherche interdisciplinaire sur la vision infrarouge pour les besoins de la médecine et de l’armée, soutenues également par l’industrie photographique (notamment par Dupont, Agfa et Kodak 7) aboutiront à la fabrication de la première caméra photo-thermique militaire en 1956, par la société AGA, aujourd’hui connue sous le nom de FLIR, leader du marché mondial de la thermographie. En tant que technologie de pointe bravement gardée, il faudra donc attendre le début du XXIe siècle pour que quelques artistes contemporains adeptes de la post-photographie s’en emparent, bien conscients du potentiel de son regard alternatif.
La caméra photo-thermique est une technologie qui permet de transformer des données de température captées à distance en pixels pour fournir une image appelée « thermographie ». De la chaleur au pixel, elle crée une correspondance entre des valeurs thermiques et leur traduction sous la forme d’une image numérique. Aujourd’hui presqu’exclusivement utilisée par l’industrie militaire et, dans une moindre mesure, par l’ingénierie civile, c’est tout d’abord le caractère politique de son usage, en tant que technologie de détection et de surveillance, productrice d’ « images opératoires 8», qui semble avoir intéressé des artistes comme Richard Mosse ou encore Samuel Bianchini. Dans deux registres différents, ils en détournent les fonctions de contrôle pour questionner la nature et l’usage de ses images et le possible dévoiement des machines de vision.
Richard Mosse est l’artiste qui a su donner ses lettres de noblesse au genre thermographique dans l’art contemporain. Photojournaliste de profession, il parcourt des zones de haute tension et couvre des conflits internationaux depuis une quinzaine d’années. Entre 2010 et 2015, pour la réalisation de la fameuse série Infra (2011), il s’immerge dans la partie orientale du Congo, meurtrie par les guerres, où il mène un travail pionnier de détournement des techniques de vision militaire en utilisant des pellicules Kodak Aerochrome. Dans ses projets les plus récents, Heat Maps (2016-2018) et Incoming 9, c’est la capacité de la vision infrarouge à révéler des aspects inédits des crises politiques et environnementales qui est au cœur de sa démarche. Présentées sous forme d’ouvrage (The Castle 10), de vidéos et de tirages monumentaux, les thermographies de Mosse ont été prises par une caméra photo-thermique spécifiquement conçue pour un usage militaire et montrent les conditions de vie des migrants durant leur exode et dans les camps de rétention européens. Le point de vue inédit de la vision infrarouge, prenant le contre-pied du photoreportage classique sur les crises migratoires, lui permet ici de montrer la violence d’un système sous un angle organique, celui du vécu thermoceptif des personnes migrantes en situation de survie. Même si ces images sont capturées à distance par une caméra photo-thermique considérée comme une arme de guerre, elles nous rapprochent humainement des sujets photographiés 11. Chez Richard Mosse, le langage thermographique s’affirme surtout comme un dispositif sensible (une prothèse) pour étendre le regard sur la précarité des individus qui traversent, campent et parfois meurent dans ces espaces dépourvus d’humanité. La caméra photo-thermique, détournée de son usage guerrier, lui sert ici à éventrer le réel, à dépouiller la charogne d’événements insoutenables en renversant l’idée même de menace et, surtout, de prédateur et de prédaté 12.

Le détournement politique des caméras infrarouge en tant que machines de vision est également utilisé par l’artiste-chercheur Samuel Bianchini. Dans son œuvre Discontrol Party (fig.1) qui sera activée trois fois entre 2009 et 2018, la vision infrarouge est employée parmi d’autres technologies de pointe (caméras 3D, zénithales, capteurs de mouvement, entre autres) au sein d’un vaste dispositif évoquant le problème de la surveillance machinique et sa possible déprédation par un groupe humain. Le public, équipé de capteurs à l’entrée de l’exposition, participe à l’expérience d’une fête sous contrôle numérique, entouré d’écrans qui relatent leurs faits et gestes le temps d’une soirée atypique et pilotée par des ingénieurs et des artistes informaticiens. Ici, l’usage de la caméra infrarouge intégrée à des systèmes de contrôle est mis en jeu pour sa qualité de machine de vision. Comme le rappelle Jean-Paul Fourmentraux, s’appuyant sur les propos de l’artiste, ces technologies liberticides appartiennent aussi au registre du spectacle vivant, ce qui dénote la « généralisation de la surveillance dans tous les domaines de la vie publique et privée 13». Dans ce bal numérique que Samuel Bianchini a pensé comme un « contre-dispositif », la vision infrarouge est utilisée en tant qu’outil critique pour dénoncer les systèmes de contrôle de masse. De fait, Discontrol Party nous met face à l’omniscience et à la rhétorique des machines de vision qui transforment les abstractions de la vie réelle sous forme de datas : à mesure que les datas mesurent notre quotidien, nos libertés fondamentales s’amenuisent. Ici, comme chez Richard Mosse, la vision infrarouge sert encore de figure de la menace : en tant que système de prédation, elle est détournée pour dénoncer, par le biais d’un art subversif et de l’expérience immersive, l’inarrêtable prolifération des dispositifs de contrôle et de surveillance.
Antoine d’Agata s’est également appuyé sur la vision infrarouge pour lever le voile sur l’une des menaces les plus marquantes du XXIe siècle : la crise de la Covid-19. Passé au crible de la caméra photo-thermique, le contexte anxiogène de la pandémie est ainsi devenu le sujet du livre Virus 14(fig. 2). Durant le premier confinement, l’artiste a réalisé un reportage sur la situation sanitaire, aussi bien dans les services de réanimations des CHU de Bordeaux et de Nancy que dans l’espace public (et évidé) de la rue. Le contrôle et la mise à distance abusive des uns et des autres qui sévissaient alors se justifiaient par la part invisible des micro-organismes que nous échangions, faisant du corps de l’autre un antre hypothétiquement dangereux et nuisible. C’est dans cette atmosphère délétère qu’Antoine d’Agata a pointé l’objectif de sa caméra photo-thermique sur des corps potentiellement porteurs du virus autant que sur des individus profondément malades. Après avoir déjà utilisé la caméra photo-thermique dans deux précédentes séries (l’une concernant les lieux de culte après les attentats de 2015, l’autre parue dans son livre Acéphale (2018) sur la terre déjà condamnée de Gaza), c’est encore la dimension spectrale des corps qui guide la recherche du photographe sur la crise sanitaire. Dans un entretien donné à AOC Média, il affirme : « Il y a aussi une certaine abstraction dans l’image thermique qui m’intéresse particulièrement : elle reste fidèle à la réalité, tout en nous ouvrant à une autre expérience de la réalité, comme si elle défaisait le tissu de nos sens 15». En effet, outre sa grâce auratique, il semblerait que l’esthétique thermographique se nourrit d’un profond paradoxe, celui du subtil jeu entre réalité et abstraction, proximité et distance, invasion et évasion. Le résultat ne laisse en tout cas pas indifférent : on ne peut qu’être empathique face à la souffrance visible de certains des sujets thermographiés. Antoine d’Agata brave l’interdit de la distance de sécurité, mais aussi celui de l’intimité pré-mortem, en « pénétrant » la crise du point de vue des corps, et de la colonisation du virus qui se manifeste bien souvent par une augmentation significative de la température, c’est-à-dire par la fièvre pour laquelle la caméra photo-thermique peut esquisser une représentation presque littérale. Les thermographies réunies dans Virus, au-delà de leur qualité de témoignage sensible sur une crise sanitaire historique, transpirent à la fois la beauté du soin porté à l’autre et l’angoisse d’un prédateur larvé, mal identifié, infiniment petit, mais auquel la vision infrarouge et la thermographie peuvent donner une interprétation tangible.

Comme une réponse à l’un des plus vieux fantasmes de l’art, la thermographie permet de voir en profondeur, de dévoiler l’aura des êtres et des choses, parfois même sans leur consentement. La caméra photo-thermique est bien de nature intrusive : elle atteint le champ de l’invu biologique qui appartient, selon nos conceptions éthiques, au domaine de l’intime. Le public participant au contre-dispositif de Samuel Bianchini se sait surveillé dans ses moindres gestes mais aussi dans ses moindres ressentis et variations émotionnelles par des caméras qui relèvent le pouls et la température, entre autres données, en bref, le champ normalement clos de leur intimité biologique. Cette fragilité du sujet face à l’objectif photo-thermique est particulièrement saillante dans la proposition d’Antoine d’Agata. Le caractère pénétrant de la vision infrarouge pose un problème éthique évident de violation intime. Pointer une caméra photo-thermique sur un individu n’est pas anodin car elle met littéralement à nu. C’est pourtant cette même capacité d’intrusion profonde qui permet à Antoine d’Agata, Samuel Bianchini ou encore à Richard Mosse de faire de la vision infrarouge un langage contestataire, politiquement subversif, percutant et révélateur des situations oppressives actuelles, autrement dit, des périls en germe autour de nous.
Au-delà des arts plastiques, c’est enfin le cinéma qui use de la vision infrarouge comme métaphore du danger. La brillante proposition cinématographique de Jonathan Glazer, La Zone d’intérêt 16(fig.3) pose un décor bien lugubre : l’histoire se déroule dans le foyer d’un haut-fonctionnaire de la SS en charge de diriger les opérations du camp d’Auschwitz-Birkenau. On suit le quotidien de sa famille dont la maison est localisée au pied du camp, ce qui plonge le film dans une atmosphère à la fois morbide et contrastée : d’un côté du mur, le parfait cliché de la famille nationale-socialiste, de l’autre, un espace dédié à l’horreur et à la mise à mort industrielle. Mais la caméra de Jonathan Glazer ne montre jamais ce qui se passe de ce côté-ci : seuls des cheminées et des bâtiments sombres dépassent du mur, seuls les cris et les pleurs des corps mourants et les bruits mécaniques de l’inarrêtable machine à tuer parasitent le foyer du SS. Le parti-pris artistique du film est entièrement construit sur le hors-champ : on ne voit pas Auschwitz, on le sent. Les seules pénétrations du camp de la mort sont autorisées par l’imagerie thermique : le réalisateur utilise la vision infrarouge pour filmer des scènes d’irruption derrière les barbelés. La nuit, une jeune fille polonaise s’aventure sur les chantiers de travail pour laisser de la nourriture aux déportés. Pour filmer les rêves, la nuit et les déplacements interdits, Jonathan Glazer a utilisé une caméra photo-thermique militaire de la marque FLIR. Le réalisateur a-t-il voulu suggérer qu’ici, sur ce sol vicié, mixture de cendres et de chair en décomposition, on n’ose littéralement pas poser les yeux ? À défaut du regard photographique, on y implante l’œil thermographique : son action filtrante, portée par un filtre noir et blanc, relève de la posture thérapeutique et distanciée. Dans La Zone d’Intérêt, les murs ont des oreilles et des yeux de serpent. Ils transpirent l’inmontrable. Non sans vouloir dépasser le propos de Jonathan Glazer, on peut voir dans cette utilisation de la vision infrarouge un moyen détourné de mettre des images, à défaut des mots, sur des dangers proches, lointains et désespérément répétibles.

Qu’elle soit utilisée pour dénoncer un vécu migratoire insoutenable chez Richard Mosse, pour critiquer l’ascendance des dispositifs de surveillance biotechnologique chez Samuel Bianchini, qu’elle soit employée pour narrer une situation sanitaire inédite chez Antoine d’Agata ou comme métaphore de l’inmontrable chez Jonathan Glazer, la vision infrarouge est un langage indiciel qui donne corps aux menaces qui grondent autour de nous. Mais en amplifiant le corps humain d’une aptitude optique dont il est dépourvu, elle ouvre également un vaste terrain poétique d’exploration et de décentrement sensible qui, au-delà de l’expression de la menace, concerne les limites de la perception humaine. En tant que prothèse sensorielle, la caméra photo-thermique nous inviterait-elle à une désanthropomorphisation de notre perception ?
La caméra photo-thermique, une prothèse sensorielle
L’esthétique des images thermographiques est de nature séduisante, contrastée, et suggère une apparition quelque peu fantomatique des êtres et des choses. Comme un dispositif de détection auratique, elle donne à voir ce que l’on sent plutôt que ce que l’on voit. C’est sans doute la teneur formelle de ces images, faite de flou, de contraste et de saturation (de vaguité, en somme) qui attire un artiste comme Smith lorsqu’il utilise la caméra photo-thermique comme une extension palliative pour ouvrir de nouveaux imaginaires liés au vivant et aux limites du corps humain.
L’œuvre de Smith invite à un décentrement sensible. Il faut replacer son travail dans le contexte d’une recherche sur la « désidération », les présences spectrales, c’est-à-dire sur ce qui cimente le vivant et lie l’humain au non-humain dans toute leur dimension énigmatique. Par une approche auratique du monde, son travail principalement photographique met en œuvre d’autres médiums comme la vidéo et l’installation. La caméra photo-thermique est pour Smith un membre complémentaire à son propre corps lui permettant de nourrir les notions de présence et de hantise. Cellulairement est une œuvre produite par Le Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, en collaboration avec le laboratoire 2XS (Ircica/CNRS/Université de Lille 3) d’après une idée originale de l’artiste. L’œuvre se présente sous la forme d’un dispositif de transfert thermique et vise « la mise au point d’une véritable interaction sans contact entre le corps de l’artiste et celui du visiteur, afin d’interroger le sentiment de hantise (sentiment de hanter ou d’être hanté) » pour « approcher, plastiquement et conceptuellement, la possibilité d’un démantèlement des liens entre identité, subjectivité et corps propre 17(…) ». Dans une salle noire, le corps du spectateur est passé au crible d’un système de mapping kinect qui traite ses informations thermoceptives. Ces données sont ensuite transmises à Smith par le biais d’une puce RFID (implantée dans le bras et connectée à son smartphone) et d’un vêtement calorifique porté, l’ensemble du dispositif lui permettant de sentir la chaleur du spectateur ou de la spectatrice. Réalité ou fiction thermoceptive ? Les moyens biotechnologiques mis en œuvre dans Cellulairement assignent bien à la caméra photo-thermique la qualité de prothèse hypertrophique pour que Smith puisse se projeter dans le corps des publics, comme pour percer l’épaisseur de leur âme et de leur ressenti 18. Dans le film qui prolonge l’expérience, Spectographie 19, c’est également la thermographie qui lui sert d’outil pour saisir autant les traces présentielles que la dimension spectrale et véhiculaire du corps humain.

Dans son dernier projet Dami débuté en 2022, composé de plusieurs séries dont certaines ont été réalisées lors de sa résidence au Château Palmer (fig. 4), il s’appuie à nouveau sur la caméra photo-thermique pour révéler les dynamiques interstitielles et les logiques d’empreinte spectrale entre les vivants et leur milieu. Le flou, la saturation, le contraste, l’illisibilité de l’image constituent l’écorce du langage thermographique et sont autant de traits formels qui permettent à Smith de façonner une esthétique cosmique, interstellaire, qui vise les mondes invisibles au-delà de l’humain. En fait, la démarche artistique de Smith se conjugue sans effort aux recherches actuelles en sciences humaines et sociales sur le vivant, en tout cas celles qui mettent en avant une pensée de la relation comme dépassement possible du dualisme corps/objet. Dans son œuvre thermographique, comme dans celle d’Antoine d’Agata, autant que dans la dernière œuvre Réespiration 20(2025) de Samuel Bianchini (projet collaboratif avec les équipes médicales de l’Hôpital de la Salpetrière sur l’interpathie respiratoire), la caméra photo-thermique est un appareil adéquat pour relever le caractère relationnel, sensible et transitif de l’être-au-monde.
Sur la vaste question des interrelations propres à la phénoménologie, le philosophe Bruce Bégout parle de « mersion 21» pour examiner les ambiances et leur modalité d’apparition, quand le géographe Augustin Berque propose plutôt le terme de « trajection 22» pour appuyer la science de la mésologie qui se concentre sur l’étude des milieux. C’est d’après cette approche du monde dite relationnelle que ma recherche-création fait émerger l’hypothèse selon laquelle la vision infrarouge pourrait éclairer les théories actuelles sur les ambiances qui émergent de la pensée de l’Umwelt d’Uexküll. En perçant le monde visible, la thermographie suggère d’autres rapports au monde et favorise l’ouverture à d’autres « mondes perceptifs ». Dans l’ouvrage pionnier pour la phénoménologie et les sciences du vivant, Monde humain, monde animal suivi de Théorie de la signification, illustré par Georges Kriszat, l’éthologue écrit : « Parmi les millions de milieux qui nous déroutent par leur multitude, nous ne considérons que ceux des hommes qui se vouent à l’étude de la nature, les milieux des hommes de science 23.» Ce passage avant-gardiste qui fait partie de la conclusion de la première partie du livre, nous invite à considérer l’ensemble des mondes perceptifs qui nous entourent, au-delà d’une vision rationnelle et anthropocentrée. Selon Uexküll, le milieu est façonné par les sens qui fonctionnent d’après des caractères perceptifs reconnaissables par l’organe prédisposé et des caractères actifs qui suscitent une action particulière 24. Chaque être est le centre de son propre monde et interagit par une relation d’ordre structural avec son milieu (voir le schéma du cercle fonctionnel). En somme, le milieu est un système de signes ajustés aux canaux sensoriels de chaque être vivant, par une perception qui dépend d’une appréhension propre de l’espace et du temps et qui diffère selon les espèces 25. Autrement dit, il y aurait autant de mondes perceptifs que d’espèces vivantes. Uexküll s’appuie sur l’image de la toile d’araignée pour illustrer sa thèse 26: chaque être tisse les liens avec son milieu selon ses propres mécanismes perceptifs.
Outre l’importance fondamentale de la pensée de l’Umwelt pour des penseurs comme Merleau-Ponty ou Augustin Berque, cet ouvrage se trouve à la racine de l’approche environnementaliste de nombreux artistes actuels qui mettent en place des dispositifs prothétiques. On pourrait penser aux œuvres d’AOO (art orienté objet) comme Félinantrophie (2007) 27, ou encore à celles de Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla. Pour la réalisation du film Apotomē 28, ce duo d’artistes a appareillé la voix du chanteur Tim Storms – détenteur d’une des voix les plus graves au monde et dont les sons ne sont pas audibles par l’oreille humaine – d’une caméra interne. De cette performance, qui rejoue une expérience musicale réalisée au Jardin des Plantes de Paris en 1798, est née une mélodie pour éléphants inaccessible à notre ouïe mais « visible » par la retranscription vidéo de la glotte du chanteur en plein récital. Au-delà de sa poésie certaine, cette œuvre met l’accent sur la considération des mondes perceptifs extra-humains et sur la possible capacité de l’art biotechnologique à atteindre ces mondes et les modes de perception qu’ils supposent. En grec ancien, Apotomē signifie « ce qui est coupé 29 » et suggère ainsi que l’art biotechnologique et les prothèses sensorielles pourraient nous aider à réparer des liens rompus, à désanthropomorphiser notre relation au monde et à considérer la perception des autres espèces. Il me plait de penser que la caméra photo-thermique pourrait aussi remplir cette fonction de prothèse sensorielle notamment sur la question du réchauffement climatique.
Enfonçons-nous encore plus dans l’image de la prothèse. La caméra photo-thermique est un pont sensoriel qui vient pallier les limites de notre propre corps. Le membre ou l’organe fantôme serait celui de la vision infrarouge, autrement dit, d’un sens propre à d’autres espèces comme le serpent, la chauve-souris, les moustiques ou les punaises de lit. Bien que je ne voie pas le rayonnement thermique des objets qui m’entourent, je ressens leurs effets, leur présence thermique dans l’espace et ce, même si je n’y fais pas attention. Il y a une co-présence thermique à débusquer entre les êtres et les choses. Au-delà du sujet cartésien et au-delà de la vision aristotélicienne des cinq sens, la thermoception est un nouveau sens à étudier, peut-être le sens à prendre en compte en période de réchauffement global. L’étudier, c’est se rapprocher d’un mode de sentir qui relève de la « subjectité », c’est-à-dire d’un mode de relation sensible au milieu qui précède la subjectivité :
La différence entre les deux termes de subjectité et de subjectivité […], c’est que le premier subsume le second, lequel n’est qu’un attribut du premier. La subjectité (Subjektheit, subjecthood), c’est le fait d’être un sujet ; c’est l’être sujet, au sens d’un être proprioceptif et souverain de soi-même dans une certaine mesure 30.
Dans un entretien récent 31, Augustin Berque affirme que l’avenir de la recherche sur le vivant tient dans l’approfondissement de la connaissance sur la « subjectité », autrement dit, sur les millions d’autres manières de sentir et d’interargir avec le monde, propres aux espèces non-humaines. Parce que leurs mondes sont invisibles à notre perception, ces modes de sentir ont injustement été mis de côté dans notre construction naturaliste des milieux. Il n’est pas abusif de considérer cette mise à l’écart comme une des raisons essentielles des cataclysmes écologiques actuels. Si l’usage de la caméra photo-thermique s’articule à une pensée esthétique et relationnelle du monde, elle pourrait nous permettre de franchir les frontières de notre « bulle » pour reprendre l’image d’Uekxüll. Sans perception visuelle du rayonnement thermique par l’homme (la vision ayant été érigée en Occident comme le sens supérieur), le fil est interrompu avec les émissions de chaleur, précisément celles dont nous sommes responsables et qui façonnent pourtant les milieux de tous les vivants à des échelles variables. En répondant à la fonction de prothèse sensorielle, la caméra photo-thermique peut réparer ce fil et nous aider à cartographier les flux thermiques à l’origine du réchauffement global. C’est l’hypothèse que pose ma recherche-création en arts plastiques. Reste à écrire et à théoriser les modalités esthétiques de la langue thermographique.
Vers un langage thermographique
« De que cor será Sentir ?
Sentir, de quelle couleur cela peut être 32? »
Bernardo Soares (Fernando Pessoa)

Parce que nous ne les voyons pas, les émissions de gaz à effet de serre, les particules fines et les radiations polluantes posent la question de leur place et de leur représentation dans nos imaginaires. En donnant corps à la part invisible de nos impacts aériens, la thermographie est un langage qui pourrait nous mettre face à notre responsabilité dans l’actuelle déstabilisation des écosystèmes. C’est sur ce problème de résonnance et d’incorporation de la chaleur par le corps urbain et par le corps humain en période de canicule que repose les séries Dérive Caniculaire (fig. 5) et Température, Tempérament (fig. 6) réalisées à la caméra photo-thermique FLIR A566-s 33. En tant que « média sensible 34», la chaleur est un fluide presque inapparent, sourd et aforme, à la logique interne, autrement dit, une menace dont l’incarnation et le transfert sont invisibles. Elle est à la fois le sujet politique et le nerf agentif de mes thermographies. Si les canicules ne portent aucun nom, contrairement aux cyclones ou aux tempêtes, elles n’en restent pas moins des catastrophes récurrentes autant que des événements désolants en termes de bilan humain et environnemental. La vision infrarouge est utilisée ici pour pallier la déficience représentationnelle de la chaleur et de la catastrophe anonyme de la canicule.
Ces thermographies ont été prises durant l’été 2024, à Alfama, dans le centre historique de Lisbonne (Portugal). Sous une température qui variait entre 27 et 38 degrés Celsius, j’ai arpenté le vieux quartier un mois durant munie d’un paquetage de 6 kg comprenant : un chapeau, deux bouteilles d’eau, un drap d’appoint, un thermomètre, la caméra photo-thermique, un ordinateur et une batterie portative. Couvrir une canicule en marchant sous la charge de ce matériel et du soleil au zénith, c’est un peu comme prendre le contrepied du cinéaste Dziga Vertov : mon dispositif de travail invite à la décélération. J’ai décidé de mener ma recherche dans des fragments urbains multiséculaires comme les médinas, antérieures au modernisme, parce qu’elles poussent à l’arrêt, à la contemplation et fonctionnent comme des négatifs de la ville moderne. Pour la femme à la caméra photo-thermique des années 2020, le ralenti et l’écoute physiologique sont de mise pour mener à bien la réalisation de prises de vue caniculaires. Au-delà d’un mode de travail précautionneux, mon objectif était de percer les dynamiques émissives de la ville en surchauffe et de formaliser la signature thermique des différents éléments qui composent une ambiance urbaine. On observe habituellement la chaleur en milieu urbain par le silence, le ralentissement, les odeurs et la sueur, c’est-à-dire par des signes indiciels. La thermographie m’a permis d’aller au-delà de ces indices, comme pour débusquer la dimension expressive de la chaleur, assimilée autant par le corps urbain que par le corps humain, autrement dit, l’empreinte thermique de la ville et son pouvoir émissif sur les êtres et les choses.
Dans ma recherche par le projet, j’utilise la thermographie pour sa capacité à écrire la chaleur, c’est-à-dire pour sa capacité à capter les émissions thermiques d’un environnement et à générer un système de signes calorifiques. Si les enjeux de composition de l’image sont les mêmes qu’en photographie, les conditions de prise de vue en diffèrent radicalement et nous plongent dans les balbutiements de l’acte photographique, du temps où le matériel était imposant, lourd et que chaque prise de vue nécessitait un ensemble de paramétrages techniques fastidieux. Bien loin de la liberté de mouvement nécessaire à une pratique de type street-photographique, la prise de vue de la FLIR A566-s ne peut que s’enclencher depuis le pad de l’ordinateur, son écran faisant office de viseur. Une main pour faire le cadre, l’autre pour déclencher, en somme. M’adaptant à ce contexte de travail, j’ai composé mes images comme des photographies. Mais, en thermographie, le détail et la définition ne sont pas des fins en soi. Ce sont les plages colorées et leur limite incertaine qui en composent l’alphabet. L’émission thermique remplace l’émission lumineuse de la saisie photographique : chaque intensité de couleur sur l’image finale correspondant à une valeur thermique. Plus la plage colorée tire vers le noir et le rouge sombre, plus la valeur est fraîche, plus elle tire vers le rouge vif, l’orange et le jaune, plus la valeur est chaude. Le choix du filtre rouge a ici été retenu pour favoriser le développement d’un imaginaire « pyrocénique 35», c’est-à-dire ancré dans l’ère des méga-feux. L’esthétique de l’art thermographique repose ainsi sur l’arrangement formel des effets de flou, de saturation, de contraste et de transition entre les plages colorées, qui organisent les émissivités dans l’image dans une écriture qu’il faut maîtriser lors de la prise de vue. Là réside le potentiel expressif de l’écriture thermique.
Le paradoxe de l’imagerie thermique est qu’elle nous rapproche autant qu’elle nous éloigne du réel. L’image finale n’est pas une image absolument fiable : elle propose davantage une rhétorique plutôt qu’une mesure numérique précise, car les émissions thermiques des corps sont transmises à distance, et non par convexion ou par conduction. Leur captation reste donc relative, d’où l’intérêt d’utiliser la vision infrarouge pour son potentiel poétique. Au-delà du visible, elle transperce la chair du monde à distance : c’est la valeur expressive de la chaleur interne des êtres et des choses qui est ramenée au premier plan. Mais lorsqu’elle cible le vivant, comme nous l’avons vu avec le travail de Richard Mosse, d’Antoine d’Agata ou encore de Smith, parce qu’elle permet en quelque sorte de « voir au travers », la vision infrarouge touche au domaine de l’intime. Elle est à la fois évasive (car ses données sont relatives) et invasive puisqu’elle pénètre des régions physiologiques d’un individu qu’il n’est pas coutume d’observer.

Pour Température, tempérament, j’ai thermographié environ deux cent humains et non-humains en situation caniculaire. Les forts contrastes, la tri-chromie, la faible définition et les flous de bougé incarnent le vocabulaire fantomatique de la vision infrarouge. La teneur esthétique de ces portraits repose sur la silhouette des êtres thermographiés (qui plient sous le poids de la chaleur) et les plages colorées qui donnent une vision pénétrante de leur ressenti. Il y a une projection d’ordre cathartique avec ces corps larvés. La vision infrarouge capte l’invu biologique et le transforme en valeur expressive. Dans les thermographies caniculaires, la palette des émotions varie de la colère au désœuvrement en passant par la lassitude. Pointé sur un corps vivant, l’œil thermographique ouvre l’intimité d’un vécu, une humeur. Sous canicule, il donne littéralement à voir l’influence du temps qu’il fait sur la météorologie du sentiment. C’est en ce sens que la thermographie relève en fait du langage des cartes : elle géolocalise et répartit des zones d’intérêt. Les datas thermographiques sont relatives et expressives, et c’est ce qui nourrit la propension du langage thermographique à la narration et à la suggestion. Température, Tempérament peut se lire comme un récit caniculaire sur un ressenti autant intime que social, symbolique que tangible, du réchauffement climatique.
La canicule, en tant que phénomène atmosphérique aforme et anonyme, peut faire l’objet d’une narration artistique et de discours critiques sur le réchauffement climatique grâce à la vision infrarouge. Son véhicule, la chaleur, constitue la force vitale de ce qui est et apparaît, comme un fluide-matériau au potentiel politique que la thermographie est à même de dessiner. S’appuyer sur la caméra photo-thermique comme sur une prothèse sensorielle à l’ère du Capitalocène, c’est revendiquer une approche politique, vibrante, lucide et charnelle des êtres et des atmosphères qu’ils traversent et qui les traversent. La thermographie doit se mettre au service d’une pensée de la relation, dans mon cas, elle me sert à narrer le vécu caniculaire, les phénomènes de réchauffement climatique et leur incidence sur le vivant. Si les machines de vision, dont la caméra photo-thermique fait partie, contribuent dangereusement aux processus insidieux de distanciation du monde réel, elles peuvent aussi paradoxalement nous en rapprocher, nous rendre plus ouverts aux milieux et plus humbles quant à notre humanocentrisme. La caméra photo-thermique est une technologie au service du vivant, la vision infrarouge une langue originale à décrypter, les émissions thermiques un lexique encore inexploré à éprouver et à écrire.
Bibliographie
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- Nous faisons ici référence aux nombreuses crises engendrées par l’ère du Capitalocène (migratoire, sociale, environnementale et écologique). Ce terme, énoncé par le géographe Andreas Malm pour critiquer et préciser le concept d’Anthropocène, pointe la responsabilisation des systèmes productivistes et extractivistes du capitalisme dans la déstabilisation des écosystèmes et dans l’actuelle crise du réchauffement climatique. [Retour au texte]
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- Antoni Rogalski, « History of infrared detectors Opto-Electronics Review », vol. 20, no. 3, 2012, p. 279-308, URL: https://doi.org/10.2478/s11772-012-0037-7 [Retour au texte]
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- À ce sujet, voir la définition de « réalisme de capteur » dans l’article de Ioanna Neophytou, « L’art de la contre-visualité : quand les artistes s’approprient la vision machinique », publié le 29 février 2024, Revue Turbulences #01 ǀ 2024, en ligne, URL: https://turbulences-revue.univ-amu.fr/wp/01-ioanna-neophytou-artde-lacontre-visualite-quand-les-artistes-sapproprient-la-vision-machinique, dernière consultation le 6 mars 2024 [Retour au texte]
- Sur le détournement de la fonction militaire de la caméra photo-thermique, voir le film Il n’y aura plus de nuit (2020) de la cinéaste Eléonore Weber. Ce film, composé entre autres d’images prises par les caméras photo-thermiques des armées américaines et françaises en Irak, au Pakistan et en Afghanistan, pose la question de la déshumanisation des corps par les machines de vision. [Retour au texte]
- Jean-Paul Fourmentraux, Rave against the (vision) machine, Autour de Samuel Bianchini (dir.), Discontrol Party (2009-2018), Sens public, 2022 [Retour au texte]
- Antoine d’Agata, Virus, Paris, Vortex, 2020 [Retour au texte]
- Alice Leroy, « Antoine d’Agata : « J’ai passé des nuits entières dans les services de réanimation » », AOC Média Analyse-Opinion-Critique, entretien du 4 juillet 2020 [Retour au texte]
- Jonathan Glazer, La Zone d’intérêt (Titre original : The Zone of Interest), film couleur, 105 min., 2023 (Prod. A24, Access Entertainment, Film4, House Productions, Extreme Emotions). [Retour au texte]
- Jean-Paul Fourmentraux (dir.), Images interactives : art contemporain, recherche et création numérique, Bruxelles, La Lettre volée, 2016, p.152 [Retour au texte]
- Comme dénominateur commun à l’ensemble de ses œuvres, l’artiste a co-théorisé le concept de « désidération » auquel il a consacré un doctorat en Études et pratiques des Arts à l’UQAM de Montréal, sous la direction de Louis Poinssont et Bernard Stiegler. Nourrie de mysticisme, de science-fiction, d’extase, d’art et de philosophie, la désidération est un projet de « narration spéculative », interdisciplinaire et ouvert qui fait référence à une forme de mélancolie cosmique, co-construit avec l’écrivain Lucien Raphmaj, le studio Diplomates et l’astrophysicien Jean-Philippe Uzan [Retour au texte]
- Smith, Spectographie, film couleur, 59 min., 2015 (Spectre Production). [Retour au texte]
- https://reespiration.org/ [Retour au texte]
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- Jakob von Uexküll, Mondes animaux et monde humain : théorie de la signification, trad. Charles Martin Fray et Philippe Muller, Paris, Denoël, 1965, p. 88 [Retour au texte]
- Ibid., Chapitre « La tique et son milieu » [Retour au texte]
- Ibid., p. 28-30 [Retour au texte]
- Ibid., p. 29 [Retour au texte]
- Dans cette œuvre, « C’est l’Umwelt du chat qui révélait alors l’Umwelt de l’artiste ». Pour en savoir plus sur l’artialisation de la pensée d’Uexküll : Marion Laval-Jeantet, « De l’incorporation du sens », in Cahier de recherche sociologique, Numéro 50, printemps, L’art post-humain. Corps, technoscience et société, 2011 [Retour au texte]
- Apotomē, film super 8 transposé en HD, 89min., 2013 (Production : Galerie Chantal Crousel et Festival d’Automne à Paris [Retour au texte]
- Pour en savoir plus sur cette œuvre, voir l’article de Jérôme Gulon in Paris Art. URL : https://www.paris-art.com/jennifer-allora-et-guillermo-calzadilla/ (consulté le 15 mars 2025 [Retour au texte]
- Augustin Berque, « Les limites radicales de la subjectité occidentale moderne : quelques implications épistémologiques de la mésologie », in Method(e)s. African Review of Social Sciences Methodology, 2017 [Retour au texte]
- « Augustin Berque. Livre 4. La mésologie, une éco-phénoménologie, et la subjetité », Entretien visible sur la chaîne Les possédés et leur monde, accessible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=tVYJU2R4rC4 [Retour au texte]
- Fernando Pessoa (Bernardo Soares), Le Livre de l’intranquillité de Bernardo Soares (traduction Françoise Laye), Paris, Christian Bourgois, 1999 [Retour au texte]
- Ce modèle de caméra a été prêté par la plateforme de recherche H2C2 de l’Université d’Aix-Marseille. [Retour au texte]
- Bruce Bégout, Sur le concept d’ambiance, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2020, p.17 [Retour au texte]
- Joëlle Zask, Quand la forêt brûle, Penser la nouvelle catastrophe écologique, Paris, Premier Parallèle, coll. « Poche », 2022, chapitre « Pyrocène » : « À cet égard, le phénomène du feu est d’une grande utilité : il offre un point de vue sur un vaste panorama d’interactions homme-nature qui, depuis des centaines de milliers d’années, procède des phases d’adaptation réciproque et d’influences mutuelles. » p. 208 [Retour au texte]