À l’avant-jardin des (in)attendus harmonistes

À l’avant-jardin, territoire du non-gouvernable, de plus en plus souvent face à l’a-gouvernable – cf. les épisodes météorologiques, les allées et venues et autres apparitions –, les jardiniers, les artistes, les plantes, les animaux, les champignons, etc. s’accompagnent mutuellement. En situation, nous souhaitons interroger la rencontre du (des) vivant(s) en tant qu’approche fondamentale. Rendez-vous, entrevue ? Dans quelle mesure les activités des êtres vivants relèvent-elles du non-gouvernable ? Qu’est-ce que le non-gouvernable généré par le(s) vivant(s) offre, procure à l’art ?

Benjamin Arnault est artiste. Depuis plusieurs années, il mène une lecture critique de motifs écologiques contemporains. Privilégiant le format de la publication et la communication lors de colloques, ses travaux ont notamment été présentés à l’occasion de l’exposition Jardins au Grand Palais (2017), dans la revue Alauda du Muséum National d’Histoire Naturelle (2017). En 2021, il participe à l’exposition collective Les Écotones, Le musée des petits oiseaux au centre d’art Rurart. En 2023, il réalise une exposition personnelle au lycée où il fut lycéen (Lycée Camille Claudel, Blain, Loire-Atlantique), exposition intitulée Étude de ma relation au document naturaliste & à la chaleur.

Pour citer cet article : Benjamin Arnault, « À l’avant-jardin des (in)attendus harmonistes », publié le 7 avril 2025, Revue Turbulences #02 | 2025, en ligne, URL : https://turbulences-revue.univ-amu.fr/a-lavant-jardin-des-inattendus-harmonistes/, dernière consultation le 15 mai 2025.

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Rhubarbe du Tibet dans herbe haute. Gilles Clément, Le Jardin en mouvement, 2017, courtesy Gilles Clément et Sens&Tonka 2025
Rhubarbe du Tibet dans herbe haute. Gilles Clément, Le Jardin en mouvement, 2017, courtesy Gilles Clément et Sens&Tonka 2025

Lors d’une conférence au Collège de France (2023), Baptiste Morizot propose de « multiplier indéfiniment les métaphores » pour « explorer la richesse des dimensions de ce qu’est le fait vivant » 1 » :

Je voudrais essayer d’imaginer ce que cela nous fait sentir et comprendre, explique-t-il, […] de dire le vivant est un feu, et ce n’est pas un feu parce que c’est un tapis persan, et ce n’est pas un tapis persan parce que c’est une bibliothèque, et ce n’est pas une bibliothèque parce que c’est un corail, et ce n’est pas un corail parce que c’est des poètes. Ou […] dit autrement, c’est en même temps une bibliothèque en flamme et un feu, c’est en même temps un tapis et un fleuve, c’est en même temps un corail et une symphonie 2.
Baptiste Morizot (2023)

Se référant aux métaphores d’éminents scientifiques 3, Morizot énumère des propositions aux motifs anthropiques (le tapis persan, la bibliothèque, la symphonie, des poètes), propositions nous rappelant la métaphore de la Terre en tant que vaisseau spatial (Richard Buckminster Fuller). Il associe ces propositions imagées avec des propositions quelque peu tautologiques (le feu, le corail, le fleuve). La proposition d’ensemble du philosophe interpelle mais elle demeure perfectible selon nous. Certes l’association et la succession de motifs, le mouvement d’ensemble exprimé – ces sauts du coq à l’âne ! – traduisent une certaine efficace. L’insaisissabilité du vivant est bien perceptible. Celle-ci peut résonner avec la situation écologique, sa complexité ou plutôt son chaos. Au premier chapitre de son ouvrage L’inexploré (2023), Morizot réalise un état des lieux à l’échelle planétaire. Le philosophe y décrit « la désorientation quant au futur, la confusion, l’égarement caractéristique de la crise écologique systémique qui est la nôtre concernant nos relations au vivant 4 ».

Pour notre part, nous étudions les propositions artistiques qui témoignent du fait vivant, composent avec (cf. les projets expérimentés, cocréés). Dans ce cadre, nous souhaitons également « aller dans les parages » du fait vivant. Nous allons essayer de « [nous] approcher 5 », en prenant le parti-pris des arts écologiques. Puisque « l’ambition même de définir ne fait pas justice au fait vivant 6 » pour reprendre les termes de Morizot, nous émettons l’hypothèse suivante. Les dynamiques actuelles repérées parmi les pratiques artistiques non seulement nous approchent mais rendent grâce et « augmentent » le fait vivant, l’« agradent 7 ». En s’immergeant au sein des milieux de vie, en s’alliant avec certains êtres vivants, l’expérimentation des arts écologiques nous permettrait d’exprimer le fait vivant dans toute sa complexité et son insaisissabilité (nous préservant ainsi de toute entreprise définitionnelle).

En tant qu’artistes, comment pouvons-nous exprimer le fait vivant ? Comment les êtres vivants peuvent-ils s’exprimer avec nous ? Comment les artistes dialoguent, interagissent avec les plantes, les animaux, les champignons, etc. sans les circonscrire mais plutôt en contribuant à leur émancipation ? Pour commencer, en réponse à la proposition imagée de Morizot, voici notre suggestion axiomatique quant au fait vivant. Voici notre postulat. Vivant : (in)certain, (in)stable, (im)perceptible, (in)saisissable, (in)expérimenté, (in)exploré, (inef)fable, (in)attendus, et cætera 8. Celui-ci nous semble plus adéquat. Amétaphorique, adéfinitionnel, il initie notre séquence de recherche. Nous espérons que les citadins, les ruraux, les habitants des peuples racines, les jardiniers, etc. puissent œuvrer à partir de ce postulat !

Les arts écologiques sont des « [arts] vivants 9 » en cours d’expérimentation (en cours de désignation : « art permacole », « art féral 10 », « arts en transition 11 », « arts harmonistes 12 », etc.). Des traits généraux permettent d’établir les premiers repères. Œuvrer en arts écologiques implique deux réquisits : un choix thématique en écologie(s) ainsi qu’une conduite de projet relevant d’(une) activité(s) écologique(s) 13. Les pratiques des arts écologiques sont a priori fondées sur l’immersion au sein d’écosystèmes. « [Les] qualités in situ et processuelles », « [l’]activité écosystémique 14 » caractérisent ces pratiques. Au regard de la situation écologique, nous souhaitons interroger à nouveau la rencontre des arts écologiques avec le vivant en tant qu’approche fondamentale, constitutive de ces arts. Rendez-vous, confrontation, entrevue ? Dans quelle mesure l’activité (in)certaine, (in)stable, (im)perceptible, (in)saisissable, (in)expérimentée, (in)explorée, (inef)fable, (in)attendue, etc. du vivant contribue-t-elle à la réalisation de ces arts ? Dans quelle mesure les activités des êtres vivants relèvent-elles du non-gouvernable ? Qu’est-ce que le non-gouvernable généré par le(s) vivant(s) offre, procure à l’art ?

I. De (du) l’(in)certain, de (du) l’(in)stable

La situation écologique internationale est telle que nous nous demandons si celle-ci favorise ou au contraire entrave l’émergence et la continuation des pratiques artistiques. L’expression synthétique « dérèglement socio-écologique 15 » – et non dérèglement climatique – désigne bien cette situation d’une complexité inextinguible. Les écosystèmes terrestres et marins sont extrêmement fragilisés, la sixième extinction est en cours 16. In globo, l’eau potable est de plus en plus rare, les sols de plus en plus dégradés et incultivables, l’atmosphère de plus en plus polluée, les mégafeux de plus en plus fréquents. Nos sociétés sont tenues de restructurer la plupart de leurs activités industrielles et agricoles. À l’échelle interspécifique, les naturalistes observent des phénomènes de désynchronisation entre espèces qui coopèrent habituellement. La rupture de ces alliances peut être mise en parallèle avec le « degré d’“incontrôle » coupable dans lequel des peuples entiers sont abandonnés à leur destin inhumain d’indifférence mortifère 17 ». Manque de coopération, tensions géopolitiques, accroissement des inégalités, pénuries, etc., les cadres sociaux sont tout autant malmenés. Dans nos pays, nous assistons à « la généralisation de l’état d’exception ainsi que l’apothéose de l’intrusion et du contrôle biopolitique des sociétés 18 ». En situations socio-écologiques très dégradées, les cadres administratifs et autres registres numériques intégraux (calculs des empreintes carbones, des opinions publics, raccordement des biens et des personnes aux réseaux, directives hygiénistes, etc.) érodent les libertés individuelles pour une soi-disant meilleure gestion collective des biens communs.

À l’échelle interspécifique, les naturalistes observent des phénomènes de désynchronisation entre espèces qui coopèrent habituellement.

De surcroît, les aléas climatiques et telluriques extrêmes – ouragans, séismes, éruptions volcaniques – se multiplient 19. Afin de rendre compte de l’instabilité de ces situations socio-écologiques, voici une proposition terminologique prolongeant les analyses de Catherine Malabou. Tandis que « le non-gouvernable ne peut […] qu’être dominé » (« la seule façon de le traiter est de ne pas traiter avec lui, soit en l’ignorant activement, soit en l’opprimant, en l’écrasant […] 20 »), l’a-gouvernable ne peut être dominé, de quelque façon que ce soit. L’a-gouvernable désignerait non pas cette « zone d’étrangeté et d’extériorité radicale 21 » chère au non-gouvernable, déployée par « les individus » et « les communautés », mais des processus d’étrangeté radicale au sein des milieux biotiques et au-delà. Non moins que « l’ingouvernable », l’a-gouvernable « échappe au contrôle 22 ». Non moins que le non-gouvernable, « gouverner [l’a-gouvernable] est définitivement impossible », ce dernier révélant tout autant « une indifférence et une extériorité au gouvernement […] profondes 23 ». Cette proposition de mise à jour terminologique résonne avec le constat du biologiste Olivier Hamant selon qui « les changements globaux ne se préoccupent pas de nous. Inutile de penser contrôler des processus de dimension tellurique dans les décennies à venir. Il va plutôt falloir apprendre à vivre en perdant le contrôle, en lâchant prise 24 », observe-t-il.

Par certains aspects, le chaotique, le tragique de cette situation a-gouvernable inspire les artistes, tout du moins influe sur leurs pratiques. Quelques années avant la parution de son ouvrage Le Jardin en mouvement (1991), Gilles Clément illustre son article « La friche apprivoisée 25 » (1985) avec une photographie du cyclone Veena qui a eu lieu à Tahiti (photographie prise en avril 1983, reproduite également dans Le Jardin en mouvement 26 ). En introduction de l’article, le jardinier décrit un paysage incendié de terre australe. Il évoque également le volcan Santiago et les Îles Galapagos. Plus récemment, le passage de la tempête Lothar en 1999 lui inspire un nouveau mode de jardinage. Après Lothar, « le printemps qui suit révèle des jardins imprévus, témoigne-t-il. […] Le grand chêne abattu lève le sol et fait venir un tapis d’euphorbes [Euphorbia coralloides] et de pavots [de Californie Eschsholzia californica]. […] Le jardin [le] prend de court, cette portion de talus devient un lieu d’observation de l’effet des tempêtes 27 ». L’événement du grand Chêne donne lieu à la notion inédite de « jardinage par soustraction ». « J’ai dû intervenir en ôtant par-ci, par-là, de façon parcimonieuse et attentive, les plantes qui pouvaient nuire à la bonne croissance de celles que je voulais voir s’exprimer, relate Clément. […] Je [n’ai] rien apporté, tout [vient] […] du vent, des oiseaux, des fourmis, des rongeurs, du hasard. Mon seul travail [consiste] à soustraire […] 28 ». Le jardinage par soustraction s’inscrit dans le prolongement de la méthode du jardin en mouvement. Clément définit le jardin en mouvement comme un « espace de vie laissé au libre développement des espèces qui s’y installent. […] La tâche du jardinier revient à interpréter les interactions [des plantes, animaux, humains] pour décider quel genre de « jardinage » il va entreprendre 29 ». Les savoir-faire développés en arts écologiques dont le jardinage – le « faire avec 30 » promu par Clément – apparaissent opportuns étant donné les agitations en cours et à venir.

II. De (du) l’(im)perceptible, de (du) l’(in)saisissable

Deux branches étymologiques indiquent les propriétés impalpables, volatiles du vivant : diversitas, biodiversité – cf. « variété », « différence », « divergence » -, et natura, nature – cf. « ce qui est en train de naître 31 ». Ces propriétés intrinsèques se révèlent d’autant plus actuellement, notamment avec la multiplication des « êtres de la métamorphose », soit « [des] formes de vie hybrides, [des] métamorphes, [des] indistincts 32 ». Parmi les bouleversements écosystémiques, les naturalistes observent ces dernières années la multiplication des hybridations d’espèces. « Les formes de vie de ce genre déboussolent conjointement les chasseurs […] animistes […] et les biologistes héritiers du naturalisme […]. » « On ne sait pas exactement qui ils sont, on ne sait pas exactement quelles relations on peut entretenir avec eux 33 », témoigne Morizot. Ces phénomènes troublants, inventifs, vont sans doute contribuer à l’effervescence des arts écologiques. En tant que motifs inédits, les métamorphes agissent telles des forces d’impulsion, des « formes/forces de vie 34 ». Plus généralement, les « processus aléatoires » qui prévalent « dans les réseaux des écosystèmes 35 » – qualités qui participent à la « robustesse » du vivant selon Hamant – enclenchent des dynamiques sur lesquelles les artistes peuvent s’appuyer pour faire évoluer leurs projets. Les principes plasticiens du collage, de la greffe, etc. sont susceptibles d’être amendés (agradés).

D’autres processus évolutifs inspirent les créateurs. « L’agitation incessante des flux autour de la planète : vents, courants marins, transhumances animales et humaines » est facteur d’un brassage au long cours. « Le brassage planétaire s’accroît du fait de l’activité humaine, elle-même toujours en expansion 36 ». « L’homme, principal voyageur planétaire, favorise les rencontres, accélère leur rythme, augmente les possibilités de métissage des espèces entre elles 37 », constate Clément. À La Vallée (Creuse, France), le pavot de Californie, la grande berce du Caucase Heracleum mantegazzianum et la rhubarbe du Tibet Phytolacca Decanadra entre autres sont un échantillon représentatif du jardin défini en tant qu’« index planétaire » (Clément). L’arrivée de la grande berce sur l’un des chemins de La Vallée en 1980 indique également à Clément une possible bifurcation du chemin et engage les premières expérimentations du jardin en mouvement 38. La dimension aléatoire de ces processus participe à l’intensité des contacts, au charme des mises en relation.

L’application du refus du pouvoir caractérise les démarches anarchistes.

Afin de tendre à une horizontalité des relations, il est loisible d’imaginer une mise en commun des prises d’initiatives, pour « la liberté des [êtres vivants] de contrôler leurs propres vies 39 », pour une éco-anarchie partagée ! L’application du refus du pouvoir caractérise les démarches anarchistes. « C’est bien la lutte contre tout pouvoir qui nous distingue essentiellement 40 », affirmait Reclus. Ce rejet des positions hiérarchiques peut être envisagé à échelle écosystémique. L’ancienne députée écologiste Isabelle Attard propose une définition « positive » de l’anarchie : « système politique qui vise à l’émancipation de toute autorité ou tutelle gouvernementale 41 ». Militant pour que les élus exercent leur fonction en tant qu’« animateurs de territoire », « animateurs de débats et d’assemblées citoyennes 42 », le témoignage d’Attard peut être traduit, par extension, aux dimensions interspécifiques. L’artiste, « [le jardinier] devient l’assistant bienveillant des végétaux, des animaux, des champignons et des micro-organismes auxquels les plantes sont liées 43 », explique Clément.

III. De l’(in)expérimenté, de l’(in)exploré

« Il n’y a pas d’anarchisme possible sans une modification profonde de notre rapport au territoire 44 », signalent les chercheurs Bruno Massé et Anna Kruzynski. Cette caractérisation in situ et in fieri de l’anarchisme s’accorde bien avec l’un des traits principaux des œuvres écologiques, celles-ci ayant été reconnues pour « [leur] position […] localiste et écocentrée », « [leur] activité écosystémique », « [leur] action de réforme au plan local 45 ». Cosson le démontre dans son ouvrage Férale. Réensauvager l’art pour mieux cultiver la terre (2023), les jeunes générations de créateurs·trices s’emparent et poursuivent cet axe de recherche historique. Elle-même a acquis en 2021 un « vieux mas entouré d’une parcelle », lieu-dit qu’elle nomme Férale. Elle souhaitait « adopter des terres afin qu’elles ne soient plus traitées ni labourées. […] Elles deviendraient refuges pour les insectes, reptiles et mammifères de la région », la commissaire désirant également y « accueillir des artistes » pour qu’ils « [expérimentent] avec ce vivant 46 ».

En son temps, Élisée Reclus interpellait son lectorat quant à la pertinence, l’efficience de s’implanter collectivement en milieu rural. « Ces essais de communes modèles ont tous le défaut capital d’être faits en dehors des conditions ordinaires de la vie, c’est-à-dire loin des cités où se brassent les hommes, où surgissent les idées, où se renouvellent les intelligences 47 », écrivait-il. Désormais, compte-tenu de nos ignorances au sujet des vivants (Clément en fait part régulièrement), compte-tenu du déploiement de ce nouvel outil de communication et de partage des savoirs qu’est internet, n’est-il pas au contraire bienvenu de donner corps à nos velléités artistiques en milieu rural ? Nombre d’artistes prennent cette trajectoire à présent, la ville n’étant plus le seul territoire de prédilection pour celles et ceux qui s’attachent à « réactiver les potentiels d’espaces ruraux délaissés 48 ».

Expérimenter le non-gouvernable en arts écologiques reviendrait à œuvrer à une certaine « démétropolisation », activité « inséparable d’une écologie du renoncement et des arts du débranchement 49 ». En 1977, Clément acquiert le terrain de La Vallée, « un vallon encombré et […] un petit bois clair 50 ». La Direction Départementale de l’Équipement réclame l’installation d’un compteur électrique pour l’obtention du permis de construire. Électricité de France réclame le permis de construire pour l’installation du compteur électrique. Après quelques mois d’attente, Clément décide de passer outre cette impasse administrative et de démarrer la construction de la maison (il obtient le permis en 1979) 51. Équipé d’un groupe électrogène depuis le démarrage du chantier (« moteur [utilisé] qu’en toute dernière minute, lorsque la pénombre envahit la maison »), en mai 2006, Clément opte alors pour « deux mètres carrés de panneaux photovoltaïques placés sur le toit [chargeant] des batteries stationnaires 52 ».

Dans les lieux où les communautés vivent, un autre trait décisif attire l’attention et vient potentiellement enrichir le répertoire des pratiques artistiques et écologiques, l’entraide. Identifiée de longue date en tant que conduite entreprise sponte sua au sein de certaines catégories sociales 53, en ce début de XXIe siècle, l’entraide doit être redéfinie à l’attention de l’ensemble des vivants. « Affirmer le sans-fond anarchique de la vie : insurgences contre le monde de la destruction. Résurgences des formes de vie communales : partage, entraide, coopération 54 », récapitule le psychologue Josep Rafanell i Orra dans son ouvrage Petit Traité de cosmoanarchisme (2023). Il est loisible d’imaginer des séances d’entraide (de soin) envers les plantes et les animaux et non pas seulement des séances de prélèvements, coupes, récoltes et autres chasses-cueillettes ! Après la survenue de sangliers au fond de son jardin à Férale et au saccage de l’une des buttes de permaculture dans laquelle les sangliers ont réalisé un « trou », Cosson s’interroge. Au niveau de la butte, l’historienne trouve « un morceau d’amiante aux bords saillants » mis à jour par les sangliers lors de leurs excavations. « Pourquoi avoir choisi [cette butte] plutôt qu’une autre ? » « L’ont-ils senti ? Feraient-ils bien plus alliance avec leur territoire que les chasseur.se.s ne le pensent ? » « Ces sangliers n’ont pas détruit mes cultures ; ils ont protégé la santé des terrestres de cet écosystème 55 », conclut-elle suite à ses inspections. L’initiative des sangliers à Férale fait écho à celle de la « communauté de chevreuils [s’entraidant] afin de traverser le fleuve Amour », chevreuils observés par le géographe Piotr Kropotkine et signalant « l’aide mutuelle comme facteur important de survie 56 ».

« Les conditions de possibilité de l’expérience communale résultent de la sympathie née dans des relations de proximité. […] Conception donc relationnelle de la communauté, où les rencontres sont des ajustements constants, des expérimentations de la réciprocité 57 »
Josep Rafanell i Orra (2023)

IV. De (la) l’(inef)fable, des (in)attendus, etc.

Plusieurs problématiques transversales s’articulent, réunissant communautés humaines (artistiques), floristiques et faunistiques dans les projets en cours. « [Le concept] de biodiversité appuie aujourd’hui les revendications d’autonomie politique de nombreuses communautés autochtones […] 58 », observe Joanne Clavel. De façon analogue, des artistes ainsi que d’autres acteurs culturels 59 construisent leur autonomie à partir de cette intention initiale, ce préalable : cohabiter avec d’autres vivants. En quête de liens avec les plantes et les animaux, ces artistes sont souvent aussi sur « le chemin menant à la décroissance », « [renouant] avec l’art comme autoproduction », mettant en pratique des « processus d’affranchissement de la dépendance à des systèmes aliénants et hétéronomes 60 ». Leurs expérimentations reflètent des fondamentaux de l’anarchisme dont « l’autogestion », « la libre association » et « l’égalité entre les individus 61 ». Néanmoins, Paul Ardenne le souligne, « la représentation de la décroissance, en la matière, a pour elle (contre elle, tout autant) son caractère nouveau. […] La culture de la décroissance, en large part, est encore sans modèle, à inventer 62 ».

« […] L’année dernière dans mon potager est arrivée Ready-made […]. Ready-made, c’est la lapine qui m’a fait quatre lapins, Marcel, Marcel, Marcel et Marcel. Ils se ressemblaient beaucoup… J’ai essayé de lui parler, c’était très difficile. Et j’ai fini par trouver un mode de langage animal, qui est le marquage. […] Pour éviter qu’elle revienne dans la planche à oignons, j’ai utilisé ce qu’utilisent les animaux c’est-à-dire le marquage olfactif. J’ai fait pipi dans le terrier. Ça marche très bien, je peux le conseiller aux gens qui ont des jardins et qui veulent absolument ne pas supprimer leurs animaux mais se mettre en rapport avec eux 63. »
Gilles Clément (2011)

C’était le matin, « du genre vers 9 heures 64 » nous précise Clément. Sur le terrain de La Vallée, l’arrivée de Ready-made, Marcel, Marcel, Marcel et Marcel – est inattendue. Celle-ci nous invite à initier à notre tour des projets, des ateliers à ciel ouvert, des « cosmoanarchismes 65 ». Alors que certains théoriciens pointent le caractère « sous contrôle » des arts écologiques et signalent « de nouvelles formes de fonctionnalisme artistique 66 » (certes, combien de milieux et de vies à réparer !), les actuelles prises d’initiatives des artistes couplées aux mouvements de la faune et la flore représentent un affranchissement des cadres de référence. Forts de « l’élan naturel et joyeux que donne la fière indépendance 67 », nous allons à la rencontre des vivants.

Forts de « l’élan naturel et joyeux que donne la fière indépendance », nous allons à la rencontre des vivants.

Depuis des temps immémoriaux, quelle belle suite ininterrompue de circonstances et d’évènements font que nous en sommes là aujourd’hui, êtres vivants ! Combien de rencontres, aléas et autres aventures à venir, selon les choix qui seront les nôtres ! Nous partons à la recherche du « Serenteletonic », soit « un moment paisible de prise de conscience, face à la menace d’un siècle tumultueux et incertain, que l’avenir est (dès à présent) toujours pluriel 68 ».

Bibliographie

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Clément, G. (2014, 28 mars). in Varier, Z., « Le rêve d’un jardinier… Gilles Clément ». L’heure des rêveurs. France Inter.

  1. Morizot, B. (2023). « Quel langage pour penser autrement le vivant ? », dans le cadre de la chaire Biodiversité et écosystèmes de Virginie Courtier-Orgogozo. Collège de France, 3 avril 2023. 38’50″-39’05″. URL : https://www.youtube.com/watch?v=j-4QDRx8xEM&t=15s [Retour au texte]
  2. Ibid., 43’35″-44’15″ [Retour au texte]
  3. Morizot s’appuie ici sur des métaphores lues dans les travaux de Charles Darwin, Konrad Lorenz, Georgina Mace, Sandra Myrna-Dian, Denis Noble et David Quammen, un ensemble de métaphores auquel Morizot ajoute la sienne, celle du vivant pensé comme un feu. [Retour au texte]
  4. Morizot, B. (2023). L’inexploré. Wildproject. p. 20. [Retour au texte]
  5. Morizot, B. (2023). « Quel langage pour penser autrement le vivant ? », op. cit., 4’15″-4’50″ [Retour au texte]
  6. Ibid., 2’15″-2’40″. [Retour au texte]
  7. « [Agrader :] Antonyme de « dégrader » ; améliorer la terre, l’amender », définit Charlotte Cosson, in Cosson, C. (2023). Férale. Réensauvager l’art pour mieux cultiver la terre. Actes Sud, p. 29, note de bas de page. [Retour au texte]
  8. Et cætera : Et toutes les autres choses, et d’autres choses manquent, et ainsi de suite… [Retour au texte]
  9. Ardenne, P. (2020). « L’art vivant, au diapason de la culture environnementale ». Courants verts. Créer pour l’environnement, catalogue d’exposition (Paris, Espace Fondation EDF). Le Bord De L’eau/La Muette, p. 15. [Retour au texte]
  10. Cosson, C. (2023), op. cit., p. 59/91. [Retour au texte]
  11. Barbanti, R. & Ginot, I. & Salomos, M. & Sorin, C. (éd.) (2024). « Introduction ». Arts, écologies, transitions. Un abécédaire. Les presses du réel, p. 11. [Retour au texte]
  12. Nous empruntons le mot « harmoniste » à Élisée Reclus. « On pourrait nous dire « libertaires », ainsi que plusieurs d’entre nous se qualifient volontiers, ou bien « harmonistes, à cause de l’accord des vouloirs qui, d’après nous constituera la société future […] », écrit Reclus in Reclus, É. (2012). « L’anarchie ». Écrits sociaux [1930]. Héros-Limite, p. 193-194. [Retour au texte]
  13. Arnault, B. (2021). « L’émergence de l’art écologique au sein des institutions françaises ». Marges. N°33. Presses Universitaires de Vincennes, p. 33-34. [Retour au texte]
  14. Ramade, B. (2013). Infortunes de l’Art écologique américain depuis les années 1960 : proposition d’une réhabilitation critique. Thèse de doctorat en Arts et sciences de l’art, Esthétique sous la dir. de Jacinto Lageira. Université de Paris 1, p. 176. [Retour au texte]
  15. Hamant, O. (2023). Antidote au culte de la performance. La robustesse du vivant. Gallimard, collection Tracts, n°50, p. 16. [Retour au texte]
  16. Clavel, J. (2024). « Biodiversité, l’urgence esthétique » in Barbanti, R. & Ginot, I. & Salomos, M. & Sorin, C. (éd.) (2024), op. cit., p. 64. [Retour au texte]
  17. Barbanti, R. & Ginot, I. & Salomos, M. & Sorin, C. (éd.) (2024). « Introduction », ibid., p. 5. « L’actualité pressante et dramatique » est « celle d’un monde caniculaire et assoiffé coincé entre les guerres […] et des projets arrogants et criminels de maintien inconsidéré des privilèges ou de privatisation des communs et des ressources premières », récapitulent-ils, in ibid., p. 21. [Retour au texte]
  18. Ibid., p. 19. [Retour au texte]
  19. « La base de données internationale sur les catastrophes (EM-DAT) a recensé plus de 12 000 catastrophes naturelles (hors séisme) et phénomènes météo extrêmes dans le monde entre 1980 et 2023, dont les deux tiers environ au cours du XXIe siècle seulement », relate le journaliste Tristan Gaudiaut, in Gaudiaut, T. (2024). « Catastrophes naturelles. Vers une amplification des phénomènes météo extrêmes ? ». fr.statista.com, 25 juin 2024. Pour plus d’informations, URL : https://www.emdat.be [Retour au texte]
  20. Malabou, C. (2022). Au voleur ! Anarchisme et philosophie. Presses Universitaires de France, p. 51-52. [Retour au texte]
  21. Ibid. [Retour au texte]
  22. Ibid. [Retour au texte]
  23. Ibid. [Retour au texte]
  24. Hamant, O. (2023), op. cit., p. 3. [Retour au texte]
  25. Clément, G. (1985). « La friche apprivoisée ». Urbanisme n°209, septembre 1985, p. 92. « Pour [Clément] toutes ces manifestations ne constituent qu’un seul et même paysage. […] Un cri à peine douloureux né du glissement des accords qui changent de mode ; il entraîne la pensée dans une dérive verticale qui pourrait lier le Sial [« Sial », ancien mot pour désigner la croûte terrestre] au reste de l’univers […] », in ibid. [Retour au texte]
  26. Clément, G. (1991). Le Jardin en mouvement. Pandora, p. 24. [Retour au texte]
  27. Clément, G. (2005). Nuages. Bayard Jeunesse, p. 123. [Retour au texte]
  28. Clément, G. (2015). « Le jardinage par soustraction. Kyoto, 25 février 2015 », texte inédit. Nous remercions Gilles Clément de nous l’avoir fait parvenir. [Retour au texte]
  29. Clément, G. Le jardin en mouvement. URL : http://www.gillesclement.com/cat-mouvement-tit-Le-Jardin-en-Mouvement (URL archivée, désormais consultable sur web.archive.org). [Retour au texte]
  30. « Cette pratique consiste à faire avec et non contre les êtres vivants présents sur le site, qu’il s’agisse de plantes, d’animaux, de champignons ou de micro-organismes. […] Le principe général du « faire avec » les énergies en place suppose que l’on prenne en compte la diversité comportementale des êtres présents au jardin », récapitule-t-il, in Clément, G. « Le jardin en mouvement ». URL : https://www.gillesclement.com/index.php [Retour au texte]
  31. Du participe futur naturus, au féminin natura, du verbe latin nascor. [Retour au texte]
  32. Morizot, B. (2023) L’inexploré, op. cit., p. 26/27. [Retour au texte]
  33. Ibid., p. 26/28. [Retour au texte]
  34. Clavel, J. (2023), « Biodiversité, l’urgence esthétique », art. cit., p. 63. [Retour au texte]
  35. Hamant, O. (2023), op. cit., p. 20. « Que trouve-t-on dans les réseaux des écosystèmes […] ? De façon massive et prévalente : de l’hétérogénéité, des processus aléatoires, des lenteurs, des délais, des redondances, des incohérences, des erreurs et de l’inachèvement », écrit-il, in ibid. [Retour au texte]
  36. Clément, G. URL : http://www.gillesclement.com/cat-jardinplanetaire-tit-Le-Jardin-Planetaire (URL archivée, désormais consultable sur web.archive.org). [Retour au texte]
  37. Clément, G. (1999), in Sarti, R. & Clément, G., Carnet de croquis. Voyage au Jardin planétaire. Spiralinthe, s. p. [Retour au texte]
  38. Clément, G. (2014), in Varier, Z. « Le rêve d’un jardinier… Gilles Clément ». L’heure des rêveurs. France Inter, 28 mars 2014, 17’10″-17’25″/27’50″-29’10″. URL : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-heure-des-reveurs/le-reve-d-un-jardinier-gilles-clement-7305941. Gilles Clément aborde également « l’invention du Jardin en mouvement » suite à l’arrivée des berces in Clément, G. (2024), Le Salon des berces [2009], Sens&Tonka, p. 111/115-116. [Retour au texte]
  39. Massé, B., & Kruzynski, A. (2015). « Anarchie », in Bourg, D. & Papaux, A. (sous la dir.) (2015). Dictionnaire de la pensée écologique. Presses Universitaires de France, p. 27. Nous avons remplacé le terme « personnes » par « êtres vivants ». [Retour au texte]
  40. Reclus, É. (2012), art. cit., p. 194. [Retour au texte]
  41. Attard, I. (2019). Comment je suis devenue anarchiste. Seuil, p. 72. « Anarchie : Du grec an, préfixe privatif, et de arkhê, pouvoir, commandement. L’anarchie est un système politique qui vise à l’émancipation de toute autorité ou tutelle gouvernementale. L’État est considéré comme n’étant pas nécessaire et aucun individu ne se trouve sous la domination d’un autre (absence de hiérarchie entre les hommes). Le système social anarchique est fondé sur la libre entente des différentes composantes de la société », écrit-elle, reprenant là la définition proposée par le dictionnaire La Toupie, in ibid., p. 71-72. [Retour au texte]
  42. Ibid., p. 44. [Retour au texte]
  43. Clément, G. (2024). « Jardin » in Barbanti, R. & Ginot, I. & Salomos, M. & Sorin, C. (éd.) (2024), op. cit., p. 133. Dans le cadre du colloque Jardins en politique (auprès de Gilles Clément), le chercheur Patrick Moquay fait part de ses réflexions au sujet des liens de la démarche de Clément à l’anarchisme. Le chercheur relève « un certain nombre de valeurs » promues par le jardinier dont « la liberté » et « l’insoumission », soit « une aspiration libertaire », Clément considérant « l’anarchisme » avant tout comme « une source d’inspiration » selon Moquay, in Moquay, P. (2016). « La politique de Gilles Clément : quatre côtés du cercle ». Colloque Jardins en politique (auprès de Gilles Clément). Centre Culturel International de Cerisy, 7 août 2016, 25’40″-25’50″/22’15″-22’50″. URL :
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/gilles-clement-un-jardinier-paysagiste-engage-5898460 [Retour au texte]
  44. Massé, B., & Kruzynski, A. (2015). art. cit., p. 29. [Retour au texte]
  45. Ramade, B. (2013), op. cit., p. 260/176/259.  [Retour au texte]
  46. Cosson, C. (2023), op. cit., p. 19/66. [Retour au texte]
  47. Reclus, É. (2012), art. cit., p. 204. [Retour au texte]
  48. Germond, L. (2021). « Art et écologie : une alliance contre la victoire de l’inerte ». L’Observatoire, Ce que les arts nous disent de la transformation du monde n°57. 2021, p. 42. [Retour au texte]
  49. Rafanell i Orra, J. (2023). Petit traité de cosmoanarchisme. Divergences, p. 43. « On peut appeler métropole le monde réticulaire d’infrastructures qui s’étend sur la Terre entière, ses flux et ses réseaux autonomisés imposant la production des choses et des êtres qui y sont branchés à même leur circulation. On pourrait parler ici de flux acosmiques », écrit Josep Rafanell i Orra, in ibid.  [Retour au texte]
  50. Clément, G. (2024), op. cit., p. 30. [Retour au texte]
  51. Ibid., p. 37-38/56/61/71/75-77. « On – la rumeur – laisse entendre que le maire et plusieurs de ses conseillers sont venus découvrir la maison sans permis, menacée de destruction. On jase au village », relate Clément, in ibid., p. 75. [Retour au texte]
  52. Ibid., p. 92-93. « L’ensemble fournit de l’énergie pour alimenter un frigidaire, faire fonctionner dix lampes en même temps, charger un ordinateur, deux ou trois portables et quelques ustensiles peu gourmands », précise Clément, in ibid. [Retour au texte]
  53. « […] Là où la pratique anarchiste triomphe, c’est dans le cours ordinaire de la vie, parmi les gens du populaire, qui certainement ne pourraient soutenir la terrible lutte de l’existence s’ils ne s’entr’aidaient spontanément […] », observe Reclus, in Reclus, É. (2012), art. cit., p. 204. [Retour au texte]
  54. Rafanell i Orra, J. (2023), op. cit., p. 125. [Retour au texte]
  55. Cosson, C. (2023), op. cit., p. 209-210. [Retour au texte]
  56. Ibid., p. 228. [Retour au texte]
  57. Rafanell i Orra, J. (2023), op. cit., p. 164, note de bas de page 80, suite à sa lecture des textes de Geneviève Pruvost et John Dewey. [Retour au texte]
  58. Clavel, J. (2024), « Biodiversité, l’urgence esthétique », art. cit., p. 65. [Retour au texte]
  59. « La directrice du Centre international d’art et du paysage de Vassivière s’est elle aussi évaporée de son poste. Elle se consacre aujourd’hui entièrement à l’agroécologie autour de Tarnac en Corrèze, sur le plateau des Millevaches. Avec sa communauté, elle a adopté des terres, planté des centaines d’arbres […] », relate Cosson, in Cosson, C. (2023), op. cit., p.186 [Retour au texte]
  60. Paparrigopoulos, K. & Salomos, M. (2024). « Décroissance » in Barbanti, R. & Ginot, I. & Salomos, M. & Sorin, C. (éd.) (2024), op. cit., p. 100. Paparrigopoulos et Salomos citent ici Marco Deriu, « Autonomie », in D’Alisa, G., Demaria, F., Kallis, G. (éd.) (2015), Décroissance. Vocabulaire pour une nouvelle ère, Le Passager clandestin, p. 125. [Retour au texte]
  61. Attard, I. (2019), op. cit., p. 72. « D’après la définition même, une société est un groupement d’individus qui se rapprochent et se concertent pour le bien-être commun », écrit Reclus, in Reclus, É. (2012), art. cit., p. 207. Afin de situer ces démarches, des courants de pensée avoisinants sont abordés par les théoriciens. Cosson associe son corpus d’œuvres avec le projet d’écologie profonde d’Arne Næss, souhaitant inclure les œuvres qu’elle présente au sein d’« une société d’égalité de tous les vivants », qui « ne pourrait être qu’anticlassiste, favorisant la diversité, la symbiose, une autonomie locale et une décentralisation », écrit-elle, in Cosson, C. (2023), op. cit., p. 160. « Anticlassiste », soit « contre la division en classes, castes, catégories… », précise-t-elle, in ibid. [Retour au texte]
  62. Ardenne, P. (2023). « Croître de décroître » (préface) in Bonnet, A. & De Saint Do, V. (2023). Poétique de la décroissance. Mix, p. 9-10. [Retour au texte]
  63. Clément, G. (2011), in Adler, L. (2011). Hors-champs. France Culture, 6 octobre 2011, 12’50″ – 13’30″. URL : http://www.franceculture.fr/emission-hors-champs-gilles-clement-2011-10-06.html [Retour au texte]
  64. En 2010, un matin d’avril nous dit Clément lors de notre entretien téléphonique. Ce Ready-made est une lapine, elle-même la (pro)créatrice de quatre Marcels, soit la (pro)créatrice de petits créateurs – en considérant que tout Marcel est un créateur « en herbe ». Un nouveau basculement opèrerait un siècle après Fontaine. À la renverse de haut en bas de l’urinoir, soit la renverse de l’histoire de la sculpture et de l’art en général, s’ensuivrait une nouvelle renverse, celle du géniteur, de la génitrice dite Ready-made dans le cas présent et de sa progéniture, et par extension celle du jardinier et de ses auxiliaires. La création serait l’affaire du vivant dans son ensemble, le jardinier un créateur parmi les autres créateurs ! [Retour au texte]
  65. « Je propose d’appeler cosmoanarchisme l’engagement dans l’expérience d’une transition sans fin entre des mondes », définit Rafanell i Orra in Rafanell i Orra, J. (2023), op. cit., p. 124. [Retour au texte]
  66. « Dans une atmosphère globale de moralisation » émerge « l’art sous contrôle » observe Carole Talon-Hugon, un « art sociétal » dont les implications concernent entre autres la « [lutte] contre […] le péril écologique », in Talon-Hugon, C. (2019). L’art sous contrôle. Presses Universitaires de France, 2019, p. 9-11/80. [Retour au texte]
  67. Reclus, É. (2012). « L’art et le peuple », Écrits sociaux [1930], op. cit., p. 146. [Retour au texte]
  68. Fisher, R. & Balwit, X. & Moynihan, T. (2023). « Serenteletonic ». En collaboration avec Quante, H. & Escott, A. (2015-en cours). Le Bureau de la Réalité Linguistique. Traduction par nos soins. URL :
    https://bureauoflinguisticalreality.com/portfolio/serenteletonic/ [Retour au texte]