Émancipation et esthétique anarchiste au Japon

Les discours spécialisés francophones sur le Japon ont connu récemment des progrès concernant la prise en compte de l’individualité des citoyens japonais, mais la figure de l’artiste anarchiste reste encore spéculative. La fragmentation et la reconstruction documentaire de phénomènes minoritaires dans les années 1960, comme dans le cas du livre de KuroDalaiJee, Nikutai no anâkizumu (Anarchisme du corps), permet de réinterpréter les énonciations d’artistes performeurs japonais. Si d’un point de vue politique, l’anarchisme prône une méfiance vis à vis des modèles de représentation, dans le domaine de l’art faut-il privilégier une esthétique de l’expression ou une esthétique de la représentation ? L’article propose d’analyser certaines lectures et médiations internationales de phénomènes japonais, en suivant l’idée d’émancipation comme finalité d’une esthétique anarchiste.

Yoshiko Suto et Frédéric Weigel sont directrice et directeur du « Palais des paris » (http://palaisdesparis.org/) à Takasaki au Japon. Yoshiko Suto est linguiste et professeure à l’université Nihon à Tokyo, elle travaille actuellement des analyses sémio-linguistiques portant sur des supports de médiation. Frédéric Weigel est artiste et développe des expériences discursives puisant dans les terminologies des disciplines philosophiques et anthropologiques.

Pour citer cet article : Yoshiko Suto et Frédéric Weigel, « Émancipation et esthétique anarchiste au Japon », publié le 7 avril 2025, Revue Turbulences #02 | 2025, en ligne, URL: https://turbulences-revue.univ-amu.fr/yoshiko-suto-frederic-weigel-emancipation-et-esthetique-anarchiste-au-japon, dernière consultation le 15 mai 2025.

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En nous basant sur une définition minimale de l’anarchisme comme « combat contre les mécanismes de domination » (Malabou, 2022, 7.11), nous allons interroger les possibilités d’une émancipation par un art anarchiste dans le contexte japonais. Si dans le registre politique, l’anarchisme nous invite à la méfiance envers les systèmes de représentation étatiques pour privilégier une forme d’expression des volontés, comme dans le cas de l’action directe syndicaliste, qu’en est-il sur le plan esthétique ? En déplaçant ce couple expression/représentation dans le cadre de l’art, doit-on affirmer que l’artiste anarchiste devrait exprimer directement son intériorité en encourant le risque d’un narcissisme ? Mais aussi, le recours aux formes plus distantes et abstraites de la représentation préside-t-il à l’activation d’un certain dogmatisme ? Nous proposons de traiter la question de la différentiation entre une esthétique anarchiste de l’expression et une esthétique anarchiste de la représentation dans le cas de l’art au Japon. Ce pays produit des images culturalistes mondialisées qui font advenir d’une part des figures d’une harmonie éloignée de tout chaos politique, et d’autre part des figures de négation 1 (nihilisme, anti-rationalisme, violence…) ou de retour à une origine archaïque 2 (mythes protohistoriques, peuple Jômon, rapport à la nature…). La volatilité de ces fantasmes encourage une spéculation faisant émerger la possibilité d’un anarchisme culturellement autre. Nous ne perdons pas de vue le lectorat francophone pour lequel nous écrivons et allons privilégier les énonciations issues des disciplines orientalistes qui ont la difficile tâche de décrire un pays éloigné.

Dans une première section, nous présenterons le spectacle qu’offre l’anarchisme japonais. À partir de présupposés épistémologiques sur l’individualité contestataire japonaise, nous observerons quelques expositions récentes promouvant un anarchisme et nous aborderons une des figures mythiques de l’artiste anarchiste. La seconde section sera consacrée au livre de KuroDalaiJee, Nikutai no anâkizumu (Anarchisme du corps), dont nous suivrons la réception au Japon et en France, et nous tâcherons d’y relever certaines schématisations qualifiées d’anarchistes. Enfin, la dernière section questionnera le régime d’une esthétique anarchiste sous le choix entre expression et représentation, afin de présenter les limites d’un art anarchiste au Japon.

I. Le spectacle d’une esthétique de l’anarchisme au Japon

I.1. Et le Japon devint contestataire

En 2002, dans un numéro de la revue Ebisu portant sur l’anarchisme japonais, on peut noter que le jugement dominant est celui d’un anarchisme qui « n’a pas connu de développement en tant que mouvement après la Seconde Guerre mondiale » (Komatsu, 2002, p. 59), et qu’« au cours de ces dernières années, on a fait remarquer de façon constante à quel point l’individualisme était encore peu consolidé, et l’autogestion insuffisante au sein des collectivités ou des universités » (loc. cit.).  Pour Philippe Pelletier l’idée que l’anarchisme « puisse se développer dans un pays comme le Japon, qui est réputé pour être socio-culturellement éloigné de l’individualisme, semble irréaliste 3 » (Pelletier, 2002, p. 93). Une décennie plus tard, de nombreux chercheurs francophones remettent en cause le stéréotype « du manque d’individualité » (Lozerand, 2016, p. 54) qui « règne en maître sur le xxe siècle » (ibid., p. 56). Michael Lucken note qu’entre 1969 et 2011 « l’archipel n’a connu aucune éruption sociale d’envergure » (Lucken, 2016, p. 134) mais qu’il convient de montrer, en accord avec le sociologue Oguma Eiji 4, « cette autre face d’un pays qui échappe à l’harmonie sociale, au consensus, au paternalisme ouvrier » (ibid., p. 133). Ou encore, Bruno Fernandes souhaite mettre à l’honneur la « créativité contestataire » à contre-courant de l’image issue d’un « orientaliste subtil […] respectueux des hiérarchies, obéissant, hygiénique, efficace, etc. » (Fernandes, 2013, p. 7). Précisons que cette évolution importante des discours orientalistes participe à une meilleure compréhension des réalités sociales et historiques du Japon moderne et contemporain.

Dans le domaine de l’esthétique, ce réel progrès possède pour paradoxe de prendre le risque de se décaler de la réalité contemporaine du monde de l’art japonais. En effet, dans notre expérience qui se base sur plus d’une dizaine d’années d’organisation d’événements artistiques avec le lieu indépendant du Palais des paris 5, nous avons été confrontés aux multiples énonciations provenant du monde de l’art japonais, et force est de constater que la dominante est celle d’un discours dans lequel l’individualité est fortement soumise au sens commun, aux habitus sociaux et à la puissance du politique. Dès lors, l’artiste anarchiste devient une figure spéculative et nous nous proposons d’illustrer cela par quelques exemples concrets.

I.2. Quelques expositions qui arborent des signes anarchistes

En guise de préalable, nous présentons quelques contextes d’expositions récentes au Japon en relation avec l’anarchisme, cela principalement dans le but de noter certains usages de cette notion. Tout d’abord, par une recherche sur les bases de données du centre national des Arts de Tokyo, depuis 1945, seulement deux titres d’exposition comportent la notion d’anarchisme, expositions qui datent de 2024. À partir des documents de communication, il est possible de dire que l’exposition Shinai de oku, koto. — Geijutsu to sei no anakizumu (Le fait de ne pas faire : Anarchisme des arts et de la vie) 6 au musée municipal de Toyota présente une vision internationalisée qualifiable d’anarchisme soft où il s’agit de « résister et fuir avec légèreté ». L’exposition Otake impact avec le sous-titre Nihonga anakizumu (Anarchisme de la peinture japonaise) 7 au musée Sen-oku Hakuko-kan à Tokyo, montre des peintures japonaises de la fin du XIXe siècle, et ici « anarchisme » est mis en relation avec le mot « excentrique » ou « marginal » en pointant le fait que ces artistes se sont séparés des écoles dominantes de l’époque. Notons ensuite l’existence du NACC | Nihombashi Anarchy Culture Center à Tokyo qui a ouvert ses portes entre 2022 et 2023, et qui montre ostensiblement sur son site 8 de nombreux signes de l’anarchisme : « A » encerclé dans le logo avec l’utilisation de couleur noir et vert proche du drapeau de l’écologie libertaire, saturation de signes, œuvres aux connotations anti-art… Cette première apparence est contrebalancée par la finalité structurelle affichée qui consiste en la promotion d’une entreprise privée du secteur de la mode nommée Sosu Inc. avec une direction artistique mené par le créateur de mode Mihara Yasuhiro. Enfin, présentons l’exposition itinérante Punk! The Revolution of Everyday Life dont l’affiche de l’exposition 9 qui a eu lieu à l’Université des arts de Tokyo présente un « A » encerclé sur fond noir et dont le descriptif en anglais l’annonce en continuité avec la perspective de l’anarchiste et anthropologue David Graeber. Son curateur Kawakami Konosuke a fait paraître en 2024 le livre Panku no keifugaku (Généalogie du punk) qui stipule que ce genre musical serait issu d’une filiation entre l’anarchisme, le communisme et les avant-gardes artistiques. Nous avons pu voir cette exposition itinérante en 2024 à re/noma dans la ville de Maebashi, et si le curateur nous a alors confirmé que le punk avait une relation forte avec l’anarchisme, l’exposition ne présentait aucun signe ostensif de cette filiation. Nous avons vu des reproductions renvoyant à des avant-gardes européennes comme Dada ou le Lettrisme, des documents relatifs à des groupes de punk et une conférence sur la mode vestimentaire punk. Ainsi dans ces quelques exemples, les signes d’anarchismes semblent renvoyer à des notions relativement flottantes, parfois en connexion avec l’univers de la mode. Il convient alors de se demander s’il existe un anarchisme spécifique à la culture japonaise donnant quelques clés de lecture pour une compréhension plus précise.

I.3 Figure de l’anarchisme au Japon

Dans l’histoire japonaise, le mot anâkizumu (anarchisme) apparaîtrait dans la seconde moitié de l’ère Meiji (1868-1912) 10. Ôsugi Sakae (1885-1923) « est probablement le plus connu des anarchistes japonais au Japon » (Pelletier, 2002, p. 93), sa pensée participe des idéaux individualistes de la démocratie Taishô durant l’ère Taishô (1912-1926). Ce philosophe promeut une approche qui « repose donc sur un principe universel de l’autonomie individuelle et ouvrière, qui transcende les différentes cultures » (ibid., p. 106) et ne favorise en rien l’hypothèse d’un particularisme de l’anarchisme japonais. Si on peut trouver des analogies avec le taoïsme chez certains auteurs historiques, par exemple chez Kôtoku Shûsui (1871-1911), dans nos recherches sur les parutions japonaises récentes, elles ne présentent pas ostensiblement cette filiation. Des différences sont notables avec la littérature francophone et anglophone où « la proximité entre l’anarchisme et le taoïsme chinois est un lieu commun » (Colson, 2001, p. 321), avec un taoïsme qualifié notamment de « radicalisme contestataire » (Levi, 2004, 5.26). Il semblerait que « Max Stirner et Tchouang Tseu [Zhuang zi] se rejoignent » (Giraud, 2017, p. 9), car ces deux penseurs « incarnent l’Unique sans sa propriété, sans autorité ni dualité » (loc. cit.), cela notamment, puisque « le taoïsme ne pouvait être qu’une doctrine individuelle » (Sablé, 2005, p. 77) dans une « société harmonieuse […] qui s’intègre parfaitement à la nature » (ibid., p. 19). S’il existe un grand nombre de descriptions mélangeant individualité, non-dualisme et fusion à une unité primordiale, il s’agit pourtant de rappeler que « le problème de la fusion et de l’individuation n’est pas celui de Laozi [le fondateur du Taoïsme], mais est typique de l’Occident » (Lavis, 2010, p. 63). En d’autres termes, il y a le risque de « faire de la métaphysique lorsqu’on cherche à commenter les textes chinois qui en sont pourtant dépourvus » (ibid., p. 14), et ce type de confusion est particulièrement récurrente quand il s’agit d’esthétique. Un exemple notoire est The Book of Tea d’Okakura Kakuzo, publié directement en anglais en 1906. L’ouvrage a joué un rôle considérable en présentant le « taoïsme comme “l’art d’être au monde” » (Okakura, 1998 [1906], p. 33), en mettant en scène un philosophe/artiste taoïste qui « est un fervent défenseur de l’individualisme » (ibid., p. 36), avec une esthétique dans laquelle il est possible de dire que « c’est en nous que Dieu rencontre la Nature » (ibid., p. 33). Ce monisme fusionnel et individualiste favoriserait des penseurs qui « rejetaient les lois et les codes moraux de la société » (ibid., p. 31) et cette sagesse résonne puissamment avec le modèle d’une esthétique anarchiste. La réactualisation de cette figure de l’artiste libertaire, avec son lot de traditions inventées, est récurrente et nous proposons d’analyser un ouvrage portant sur la performance japonaise et rejouant à sa manière ce type de fiction.

II. Le cas particulier de l’ouvrage Nikutai no anâkizumu

II.1 Présentation et réception à sa parution au Japon

Le livre de KuroDalaiJee, Nikutai no anâkizumu 11 (Anarchisme du corps), est paru au Japon en 2010 et présente des performeurs de la fin des années 1960 qui étaient alors considérées comme un « simple phénomène vulgaire » (KuroDalaiJee, 2023, p. 33) et qui avaient quasiment disparu des historiographies. Différents groupes sont remis à l’honneur : Zero jigen, Kyûshû-ha, Kurohata… Une traduction en 2023 vient de donner un regain d’intérêt à l’ouvrage, cela grâce à la politique culturelle japonaise contemporaine qui se situe dans la continuité du cadre Cool Japan lancé par le ministère de l’Économie en 2010. Cette politique vise à produire des marchandises calibrées pour les critères de réception à l’international, tout en induisant pourtant l’idée qu’elles relèvent du génie national. C’est ainsi qu’Art Plateform Japan, sous la tutelle du bureau des affaires culturelles (Bunka-chô), a choisi de traduire certains ouvrages convenant aux attentes de l’international 12. Pour Nikutai no anâkizumu, notons l’ambiguïté d’une politique nationale conservatrice qui subventionne un ouvrage supposément anarchiste, car il répond à une demande étrangère.

D’après KuroDalaiJee, les formes performatives dites anarchistes « ont été effacées de l’histoire par la société » (KuroDalaiJee, 2023, p. 41). Comme souvent on « ne dispose même pas de documentation photographique » (ibid., p. 50), l’auteur reconstitue une documentation et des témoignages pour reconstruire/spéculer ce passé (loc. cit.), tout en reconnaissant l’hypothèse qu’il puisse n’y avoir « aucune garantie de son “ objectivité ” ou de sa “ vérifiabilité ” ultime » (ibid., p. 51). De plus, l’auteur reconnaît qu’il n’a « aucune connaissance en philosophie, en esthétique ou en théorie politique et [qu’il est] incapable de penser logiquement » (ibid., p. 505). Plutôt, il s’inspire des méthodes de folklorismes esthétisés comme celui de Yanagi Sôetsu (ibid., p. 47) et cherche à se différencier des terminologies d’art marginal, genkai geijutsu, de Tsurumi Shunsuke (ibid., p. 467) ou d’anti-art, hangeijutsu, formalisé par Tôno Yoshiaki (ibid., p. 73). Sa méthode répond au triple rejet d’un art élitiste, d’une modernisation et d’une influence occidentale. L’anarchisme y est défini à partir de l’étymologie d’anarchos « sans (an) dirigeant (arkhos) » (ibid., p. 495). Cette notion d’anarchisme est avant tout spéculative, elle permet de s’opposer à ce que l’auteur estime être la domination de l’époque : la modernisation de la société japonaise.

Il est intéressant de suivre deux textes critiques pour situer la réception mitigée 13 de ce livre à sa sortie. Yamaguchi Yôzô, un curateur aujourd’hui spécialiste du groupe Kyûshû-ha, témoigne de son étonnement à la vue des documents. En effet, « les autorités chargées du maintien de l’ordre ainsi que les spectateurs toléraient des actes insolites se déroulant dans la rue » (Yamaguchi, 2011), cela par comparaison avec le Japon contemporain. Il souligne la difficulté pour mener une analyse scientifique de ces phénomènes au moyen de « méthodes conventionnelles adaptées dans l’histoire de l’art » (loc. cit.). Il note ainsi le manque de preuves concernant une « implication directe des performeurs dans les mouvements politiques » (loc. cit.) et concernant la « coïncidence » (loc. cit.) entre le domaine de l’art et la société. Un autre compte-rendu écrit en 2010 sous le pseudonyme Critique, soulève savamment quelques faiblesses épistémologiques de l’ouvrage. L’auteur met en doute la possibilité d’unifier la multitude des phénomènes sous une signification unique. Par l’utilisation de mots-clés (corps, ville, rituel…) plutôt que de concepts, ce livre ne parvient pas à théoriser ces performances en tant qu’« un ensemble de mouvements » (Critique, 2010). En effet, avec les diverses activités décrites, « même rassemblées dans une étude, elles semblent n’avoir que peu de signification » et « donnent l’impression de n’être que de simples fêtes éphémères » (loc. cit.). Enfin, le compte-rendu doute de la possibilité d’un héritage historique de ces expériences qui ne dépassaient pas leur contexte historique d’émergence, car « il semble que l’art contemporain japonais [d’après-guerre] manque cruellement de l’idée selon laquelle une forme d’expression pourrait être approfondie par les générations suivantes » (loc. cit.). Si la redécouverte des performances des années 1960 par KuroDalaiJee n’a pas révolutionné la connaissance de l’histoire de l’art au Japon, ce livre va connaître en France une réception plus enthousiaste, sous le biais de certaines attentes que nous allons brièvement décrire.

II.2 Réception en France

La réception en France de ce livre a généralement été menée sous l’interprétation d’un engagement politique des artistes. Par exemple, Fernandes a publié en français en 2013 un livre sur le groupe Zero jigen sur la base des propos de KuroDalaiJee qui aurait « réinject[é] en outre l’élément polémique et politique qui était indissociable des convulsions et batailles artistiques d’alors » (Fernandes, 2013, p. 382). Si Fernandes partage une lecture anti-moderne du contexte contestataire du Japon, il en déduit un engagement politique des artistes. En effet, « si ce groupe [Zero jigen] est quasiment inconnu », c’est notamment en raison de « prises de positions politiques radicales sous-tendant leurs interventions » (ibid., p. 9). De manière similaire, pour présenter la traduction de 2023, Alexandre Taalba énonce que ce livre « révèle le soubassement politique, contestataire, voire révolutionnaire des pratiques performatives japonaises dans les années 1960 » (Taalba, 2023, p.  82). Si la lecture de ces comptes-rendus francophones ne laisse aucun doute sur l’engagement des artistes de cette période, KuroDalaiJee qualifie pourtant l’éthique de ces groupes avec la terminologie ambiguë d’une « révolte apolitique » (KuroDalaiJee, 2023, p. 484). Dans de nombreux passages (ibid., p. 479-489), l’auteur met en avant le désengagement politique des participants et prône l’idée d’une « politique [qui] soit restée à un niveau émotionnel » (ibid., p. 479). C’est au prix d’un engagement uniquement sentimental et « non pas par des mesures “normatives, éthiques et idéalistes” » (ibid., p. 488) que KuroDalaiJee qualifie cette contestation d’apolitique :

C’est quelque part dans ce voisinage [d’un sentiment et non d’une norme] que se trouve la raison pour laquelle pratiquement aucun performeur anti-art n’a créé une œuvre avec un message politique cohérent, pourquoi ils ont plutôt choisi d’agir comme des “pervers idéologiques 14”, même s’ils étaient conscients de leur manque d’efficacité politique. (ibid., p. 489).

Si KuroDalaiJee énonce souvent des propos spéculatifs, il affirme cependant clairement le retrait du politique de ces groupes d’artistes qui « se consacraient à des activités qui ne pouvaient pas être interprétées comme des messages politiques » (ibid., p. 488). Dès lors pour saisir l’engagement de ces artistes désengagés, les différents auteurs doivent recourir à un contexte extérieur qui déterminerait le contenu politique produit par les principaux concernés, et cela souvent par-delà les énonciations propres aux artistes. C’est alors un regard externe qui vient unifier les signifiants et les documents fragmentaires.

II.3 Une surinterprétation des corps et des signes

Dans une interview de l’artiste Ochi Osamu appartenant au groupe Kyûshû-ha et mené par le curateur Yamaguchi Yôzô 15, la discussion pointe la surinterprétation politisée du matériel utilisé par l’artiste : l’asphalte. Si l’artiste de Fukuoka affirme qu’il n’y avait aucun lien entre ses œuvres en asphalte et le contexte politique de la lutte ouvrière dans la mine de charbon de Miike entre 1959 et 1960, le curateur explicite que « vu de Tokyo ou de l’étranger, on dirait qu’il y a un lien très fort 16 » (Yamaguchi, 2015). Ce phénomène est courant, une recontextualisation depuis l’extérieur vient produire l’évidence d’un engagement ou d’une signification. À partir d’une compréhension décentrée advient une intuition de la signification des actes, au-delà de toutes preuves. Le corpus de KuroDalaiJee, par son aspect fragmentaire et par la reconstruction d’un contexte de l’époque, vient fortement favoriser ce type de lectures. À titre d’exemple, Fernandes soutient que la période de haute croissance au Japon, en particulier l’exposition universelle d’Osaka en 1970, serait en continuité avec le totalitarisme d’avant-guerre : « On peut déceler dans l’idéologie latente ou explicite de l’Expo’70, des relents de ce qui constitua la doctrine officielle du Japon dans sa période expansionniste et impérialiste » (Fernandes, 2013, p. 129). À partir de ce premier jugement qui ne fait pas consensus, il est aisé d’insuffler un engagement politique et moral aux artistes minoritaires de l’époque qui combattraient un prétendu fascisme par « le chaos, la disharmonie, le désordre, en d’autres termes la crise » (ibid., p. 211). De telle sorte : « Ce vecteur de crise, de provocation du désordre comme épreuve de vérité, est une ligne éthique et pataphysique des Zero Jigen » (loc. cit.). Dans ce cas précis, ce qui permet d’interpréter la signification des signes, c’est une lecture métaphysique prônant l’anarchisme d’un « corps immoderne, c’est à dire immoral par son refus métabolique et politique d’une modernité imposée » (ibid., p. 208).

Un trouble interprétatif advient tout particulièrement quand il s’agit de qualifier l’utilisation de formes dites traditionnelles avec l’usage de la notion de rituel (gishiki). La signification se transforme alors en fonction du présupposé : d’un côté, il y aurait la possibilité d’un comparatisme culturaliste, car « le ritualisme des performances japonaises des années 1960 se distingue de l’Actionnisme viennois par la composante culturelle dont il procède » (Taalba, 2013, p. 86), et d’un autre point de vue la connotation de ces signes serait « non pas “nationaliste” mais dérisoire et parodique » (Fernandes, 2013, p. 202). Suivant le préalable épistémologique, on navigue entre des postulats fort différents, allant de l’incarnation à l’ironie. Pour KuroDalaiJee, chez qui il ne se pose pas la question d’une interprétation depuis une culture éloignée, le rituel (gishiki) performatif renvoie à des comportements religieux et sociaux, à des habitus, « qui ont été transmis dans les sociétés et les communautés depuis les temps prémodernes » (KuroDalaiJee, 2023, p. 448) et qui s’exprimeraient dans la spontanéité de corps déjà déterminés par un héritage collectif. Rituels et performances auraient « en commun leur rejet de la modernité et leur tentative de retrouver un sentiment de communauté » (ibid., p. 453). Dès lors, les performeurs pourraient « déterrer les souvenirs de “quelque chose de rituel” imprimé sur leur propre corps actuel » (ibid., p. 452), et il advient ainsi une tension entre liberté individuelle et déterminisme culturel porté jusque dans les corps, tension se trouvant au cœur des apories d’une esthétique anarchiste au Japon.

III. L’anarchisme esthétique : représentation ou expression ?

III.1 Quelques préalables

Si l’anarchisme est avant tout une pensée du politique, il est aussi possible de transposer certains éléments dans le registre esthétique de l’analyse des signes. Daniel Colson propose que « l’expression s’oppose à la représentation » (Colson, 2001, p. 117), et dès lors l’anarchisme serait du côté de l’expression, car « dans la pratique libertaire, signes, symboles, discours et théories sont l’expression directe […] des forces qui les produisent » (loc. cit.). À l’opposé les signes seraient les instruments d’une domination lorsqu’ils entrent dans le registre de la représentation et de la médiation : « la force et le danger des symboles et des signes, c’est justement d’être capables de se substituer à la réalité qu’ils devraient exprimer, d’en tenir lieu, de se transformer en représentation […] et de se dresser au-dessus des forces collectives comme une force transcendante aux mains des prêtres, des dirigeants et des propriétaires » (Colson, 2001, p. 317). Cette lecture peut paraître évidente, elle s’approche d’une esthétique romantique qui critique fréquemment une abstraction conceptuelle et la mécanisation qu’elle produit sur un monde qui devrait pourtant être fluide. Il nous semble néanmoins que ce jugement appliqué au domaine de l’art mérite d’être discuté, ne serait-ce que pour éviter que les symboles ne finissent par devenir un simple « jargon » 17 qui s’impose sous le motif d’un impératif d’authenticité.

III.2 Esthétique japonaise de l’expression

Ce que KuroDalaiJee appelle chokusetsu kôdô (action directe) reprend certes la terminologie de l’anarcho-syndicalisme, mais il s’agit ici pour les artistes de « résist[er] à l’ordre sociétal existant […] en “agissant selon leur cœur” » (ibid., p. 488-489). L’individualité expressive est certes en lutte contre une forme d’aliénation moderne, mais celle-ci est également soumise aux déterminismes culturels. Comme l’anarchisme des « styles vulgaires […] abritaient la profondeur des sentiments du peuple » (ibid., p. 474), celui-ci ne vise pas une autonomisation de l’individu, mais provoque des situations sociales où le corps est d’emblée assujetti au collectif. Il apparaît un clivage identitaire : artistes et spectateurs sont pris en étau entre une intériorité émotionnelle s’exprimant directement, et une extériorité dont les formes sont déjà imposées. Cette dualité pose une frontière entre le domaine du sentimental et celui du politique. D’après Maruyama Masao, ce motif apparaîtrait distinctement à la fin du XIXe siècle au Japon avec la « coexistence d’un nationalisme d’État axé sur l’autorité […] et d’un individualisme des sensations et des instincts » (Maruyama, 2004). Concernant une pensée anarchiste prise dans cette tension, on peut reprendre les mots d’Emmanuel Mounier qui affirme que « la pensée anarchiste sans ses enfantillages » consiste en « la connaissance du caractère collectif de toute œuvre de salut […]. Il n’est de liberté que sur un ordre de choses » (Mounier, 1966, p. 177).

De plus, l’esthétique japonaise qui affirme un caractère collectif se réclame généralement du régime de l’expression : il faut que l’intériorité émotionnelle puisse s’objectiver au sein des habitus sociaux sous la forme de l’art. Intéressons-nous maintenant au cas d’une esthétique anarchiste qui se place sous le régime de la représentation, pour pouvoir évaluer les limites de l’expressivité que nous venons d’aborder.

III.3 Une esthétique émancipatrice par la représentation

KuroDalaiJee et Malabou analysent tous deux l’anarchisme réclamé des pointillistes français à la fin du XIXe siècle, mais leurs interprétations divergent. Le premier auteur favorise l’idée d’une expression de l’anarchisme, et la seconde pense la représentation picturale. Chez KuroDalaiJee, il est « difficile de discerner dans ses peintures des signes de sympathie de Camille Pissarro envers l’anarchisme » (KuroDalaiJee, 2023, p. 495) ; pour lui c’étaient « les artistes académiques [et les] publics ordinaires qui considéraient les expériences picturales […] comme antisociales » (loc. cit.). Ainsi l’anarchisme ne serait pas détectable dans l’analyse d’une représentation picturale, mais serait défini depuis l’extérieur par l’autorité et par le consensus, le contenu de l’expression serait directement reconnu par la société. Chez Malabou, au contraire, il s’agit d’analyser la représentation pointilliste en considérant « la technique picturale des points comme un équivalent plastique de l’anarchisme » (Malabou, 2022, 14.141), technique dans laquelle « tous les points du tableau sont de même taille, […] suggérant, par leur juxtaposition, un monde où tous les êtres […] seraient […] qualitativement et quantitativement égaux » (ibid., 14.143). La philosophe suppose que l’artiste a traduit en langage plastique un système conceptuel qui se situait hors du registre strict de son art. Pour que le spectateur puisse saisir le contenu de la représentation picturale, une médiation langagière est nécessaire.

Si comme l’affirme Jacques Rancière, « l’anarchisme, c’est d’abord l’autonomie. Ce sont […] les formes de transmission de savoir et d’information autonomes par rapport aux logiques dominantes » (Rancière, 2017), alors l’art anarchiste posséderait pour finalité l’émancipation du spectateur. Mais celle-ci ne serait possible que si l’expression de l’artiste ne domine pas le récepteur, chaque individu gardant son autonomie dans l’usage de ses facultés. Ainsi, « la performance […] n’est pas la transmission du savoir ou du souffle de l’artiste au spectateur. Elle est cette troisième chose dont aucun n’est propriétaire, dont aucun ne possède le sens » (Rancière, 2008, p. 21). Cette troisième chose n’est ni transmission ni expression, elle est une médiation ou une représentation qui demande à être interprétée, traduite, transfigurée, subjectivée… C’est bien « dans ce pouvoir d’associer et de dissocier que réside l’émancipation du spectateur » (ibid., p. 23) et le possible dissensus entre l’artiste et le spectateur devient une source d’autonomisation des individualités. L’art performatif ne produirait alors pas « l’incorporation d’un savoir, d’une vertu ou d’un habitus. C’est au contraire la dissociation d’un certain corps d’expérience » (ibid., p. 67). S’il est vrai que dans l’anarchisme, l’individualité se doit de refuser toute représentation sur le plan politique afin de ne pas perdre de son autonomie ; au contraire sur le plan esthétique, l’individu ne pourrait s’émanciper qu’en refusant le paradigme de l’expression de l’artiste. Appliquons cette idée de l’émancipation à l’esthétique de l’expression au Japon.

III.4 Le paradoxe d’une esthétique anarchiste dans le contexte japonais

Les propos de Rancière rappellent certaines formules de Pierre-Joseph Proudhon, auteur qui demande néanmoins à être contextualisé dans le positiviste du XIXe siècle, car « son rapport à l’art est à plus d’un titre complexe » (Berthet, 2001, p. 7), en étant « à la fois un défenseur […] d’idées avant-gardistes en matière d’art et, parallèlement, un moraliste prônant un art “rationnel”, éducateur, au service de la collectivité » (ibid., p. 9). En suivant l’opposition entre expression et représentation que nous avons tracée, notons que pour Proudhon « l’expression artistique […] ne peut pas être une expression adéquate, un calque » (Proudhon, 1875 [1865], p. 39). L’art reposerait nécessairement sur le régime de la représentation, car il « n’a pas sa raison supérieure ou sa fin en lui-même » (ibid., p. 44). L’anarchisme vise une forme d’autonomie politique, néanmoins l’autonomisation de l’art ne peut être absolue, car chez Proudhon, si l’art « doit défendre son autonomie contre l’institutionnalisation […], s’il doit se libérer entièrement de ses anciennes tutelles théologiques, métaphysiques, morales et politiques, en revanche l’idée d’autonomie totale de l’art est une illusion » (Berthet, 2001, p. 106). D’un côté, l’art pour l’art serait un modèle de domination de l’artiste sur le spectateur, en lui imposant des « impressions personnelles » (Proudhon, 1875 [1865], p. 122), d’un autre côté, l’artiste ne devrait mettre en figure que ce dont il a été contemporain, car représenter « une action dont l’artiste n’a pas été témoin […] est une fantasmagorie » (ibid., p. 113), avec le risque de produire un art du mensonge en copiant les anciens ou les cultures éloignées. Proudhon mena une double attaque contre la fantaisie du romantisme et contre l’absolu anhistorique du néo-classicisme. Selon lui, ces deux écoles « aboutissent au même résultat, qui est l’irrationalité » (ibid., p. 130). Cette double critique peut être transposée pour déterminer les effets produits par l’esthétique de l’expression telle qu’on la trouve chez KuroDalaiJee. L’intériorité pure et sentimentale de l’artiste active une dynamique romantique de domination fantasmatique en imposant son imagination aux spectateurs, en deçà de toute conceptualisation. Mais aussi, l’extériorité formelle et sociale de l’artiste serait dominée par une culture des anciens que le corps garderait en mémoire comme un absolu, au-delà de tout progrès historique. Cette tension met à mal l’idée d’une émancipation. Une double domination, la fantaisie du génie et l’absolu culturel, se substitue à la démarche raisonnable qui permettrait une « critique des mœurs » (ibid., p. 294). Si l’autonomie et l’émancipation demandent un sujet unifié capable de se donner à lui-même ses propres critères, alors apparaît une faille avec une esthétique anarchiste de l’expression équilibrant la double domination d’une intériorité et d’un déterminisme social, comme nous pouvons le croiser dans le contexte du Japon 18 : les anarchismes culturels qui s’exprimeraient spontanément pourraient n’être rien d’autre qu’un modèle de domination du collectif sur ses membres.

Les évidences métaphysiques de l’art – nous entendons par là le dévoilement d’une signification hors de toutes preuves factuelles – trouvent un terrain éminemment spéculatif avec l’idée d’un anarchisme japonais.

Les évidences métaphysiques de l’art – nous entendons par là le dévoilement d’une signification hors de toutes preuves factuelles – trouvent un terrain éminemment spéculatif avec l’idée d’un anarchisme japonais. Dans le cas des performances des années 1960, un surplus de signification est plaqué sur un matériel documentaire fragmentaire et fortement recontextualisé, cela par les préalables des différents chercheurs. Dès lors, ce sont des institutions artistiques ou universitaires qui statuent sur la nature d’un anarchisme spontanée reposant sur l’idée que « les petites gens, résistent avec succès à une forme de pouvoir ou d’influence globalisante qui leur est imposée d’en haut » (Graeber, 2018). D’après David Graeber, le chercheur prenant cette voie risque de rejoindre la position du directeur marketing vantant les spécificités d’une culture. Dès lors, afin d’élaborer une esthétique anarchiste au Japon, il faudrait probablement accepter une anthropologie anarchiste qui doive refuser l’idée « qu’un [Japonais 19] ait quelque chose à dire au monde si ce n’était en lien avec sa propre essence [Japonaise] » (Ibid.), et qui puisse permettre à des individus enfin autonomes de s’émanciper des modalités multiples de la domination, fussent-elles culturelles, au moyen de leurs facultés propres.

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  1. En guise d’exemple, voir Dalissier (2013, p. 13-82). [Retour au texte]
  2. En guise d’exemple, voir Lévi-Strauss (2011, p. 154-156). [Retour au texte]
  3. Précisons que l’article se propose justement d’interroger ce jugement. [Retour au texte]
  4. Par convention concernant les auteurs japonais, le nom précède le prénom. [Retour au texte]
  5. http://palaisdesparis.org/ ; https://instagram.com/palaisdesparis/ ; en guise de présentation : https://www.revue-exposition.com/index.php/articles9/suto-weigel-palais-paris-japon  [Retour au texte]
  6. page officielle du musée : https://www.museum.toyota.aichi.jp/exhibition/anarchism_and_art [Retour au texte]
  7. Page officielle du musée : https://sen-oku.or.jp/program/20241019_otakeimpact/ [Retour au texte]
  8. Site officiel : https://nac-c.jp/ [Retour au texte]
  9. Page officielle en anglais : https://museum.geidai.ac.jp/en/exhibit/2023/04/punk.html [Retour au texte]
  10. Voir Komatsu (2002). [Retour au texte]
  11. Nous traduisons en français depuis la version anglaise, en gardant sa pagination. Nous comparons aussi avec la version japonaise, Nikutai no anâkizumu, pour éviter les contresens. [Retour au texte]
  12. D’après le rapport officiel (Bureau d’Art Plateform Japan, 2023), il s’agit « de traduction et de publication à l’étranger […] de textes considérés comme ayant une forte demande ». Nous traduisons les citations dans cette section. [Retour au texte]
  13. Ces textes, par ailleurs, saluent unanimement l’ampleur et l’acharnement des recherches. [Retour au texte]
  14. La formule est de l’artiste Akasegawa Genpei, dont l’engagement a été une exception (KuroDalaiJee, 2023, p. 484). [Retour au texte]
  15. Voir Yamaguchi (2015). [Retour au texte]
  16. Nous traduisons. [Retour au texte]
  17. Adorno a mené une critique de la croyance philosophique dans l’expression d’une authenticité sous la forme d’un jargon dans lequel « les mots disent plus qu’ils ne disent, c’est ce qui leur est procuré une fois pour toutes en tant qu’expression, mettant un terme à la dialectique » (Adorno, 2018 [1964], p. 53). De ce point de vue, une énonciation saine se placerait plutôt du côté de la médiation et de la dialectique, c’est-à-dire dans la sphère de ce que nous appelons représentation. [Retour au texte]
  18. Notons qu’il apparaît des différences avec d’autres zones extra-occidentales. Par exemple, voir la préface de l’ouvrage Épistémologies du Sud (Laville, 2016). [Retour au texte]
  19. Nous remplaçons le mot Maya par Japonais. [Retour au texte]