La propagande par le fait et par l’image en particulier

Le présent article entend explorer les différentes formes que prit la propagande par le fait durant la Troisième République, loin de l’opinion courante encore associée à ce terme. Pour ce faire, dans un premier temps, il sera question de définir l’usage de la propagande, de ses origines à l’aube du XXe siècle, avant d’aborder la propagande par le fait proprement dit et de s’attacher à celle par l’image afin de montrer la dimension existentielle d’une telle démarche artistique et militante.

Christophe Longbois-Canil est docteur en esthétique, diplômé d’histoire de l’art de l’université de Roma III et membre du Centre International de Recherche sur l’Anarchisme de Marseille. Sa thèse de doctorat (2012) porte sur le concept de modernité, au sujet duquel il a publié De moderne à modernité, les généalogies d’un concept aux éditions Klincksieck. Spécialiste de la critique d’art au XIXe siècle, il a collaboré, entre autres, à l’édition des Œuvres complètes d’Albert Aurier (2021) et des Œuvres complètes de Félix Fénéon (en préparation) aux Éditions du Sandre. Axant plus particulièrement sa recherche sur la critique et l’art de la Troisième République, il travaille actuellement sur l’artiste et militant anarchiste Maximilien Luce et les liens que celui-ci a pu tisser avec la Commune de Paris (ouvrage en préparation).

Pour citer cet article : Christophe Longbois-Canil, « La Propagande par le fait et par l’image en particulier », publié le 7 avril 2025, Revue Turbulences #02 | 2025, en ligne, URL: https://turbulences-revue.univ-amu.fr/christophe-longbois-canil-la-propagande-par-le-fait-et-par-limage-en-particulier, dernière consultation le 15 mai 2025.

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Fig. 3. En-tête du Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration Maximilien Luce
Fig. 3. En-tête du Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration Maximilien Luce

Force est de constater que le mouvement anarchiste n’a toujours pas bonne presse auprès du grand public car, pour beaucoup, le terme d’anarchie renvoie irrévocablement à la notion de désordre, si ce n’est de chaos. Nourrie le plus souvent par une série de lieux communs érigés par la force de l’habitude en vérité historique, cette image trouve son origine dans l’étymologie même du terme mais se cristallise à partir d’un court moment de l’histoire du mouvement anarchiste : la période dite de la « propagande par le fait », correspondant aux années 1892-94.

I. Propagande, origine d’un terme et son évolution jusqu’au xxe siècle

Dans l’imaginaire populaire, le terme propagande a immanquablement une connotation négative. En effet, le mot est couramment défini comme une manipulation dans le but d’endoctriner, de modifier, de façonner les attentes et les actions de l’opinion publique.

Toutefois, pendant fort longtemps, le terme propagande a eu sa définition restreinte au champ religieux. À l’origine, au moment de la fondation de la congregatio de propaganda fide en 1622, la papauté créa le néologisme propaganda, forgé sur la base d’une étymologie latine, celle de propagare, c’est-à-dire « propager, répandre, comme un liquide ». Le terme est alors indissociable de cette institution de la Contre-Réforme et, plus spécialement, de son activisme ecclésiastique, qui visait à la reconquête des fidèles ayant abandonné le catholicisme, mais également l’évangélisation des populations non chrétiennes. Ainsi, initialement, le terme recouvrait à la fois l’institution et les moyens de diffuser le message catholique.

Lors de l’essor des idées des Lumières en Europe, une extension du terme à des fins profanes sera attachée à l’acception religieuse initiale, lui procurant ainsi une dimension politique, celle de propagation des doctrines et des opinions. Dans le contexte de la Révolution française, la fixation sémantique s’accentua et, dès 1798, le Dictionnaire de l’Académie française proposait les deux définitions du terme, religieuse et profane.

Néanmoins, durant la première moitié du xixe siècle, à part exception, le terme de propagation sera privilégié à celui de propagande dans les débats politiques mais, avec l’accentuation et la progression des idées républicaines et socialistes, la seconde moitié du siècle verra le terme propagande être popularisé peu à peu. Après leur accession au pouvoir, durant la Troisième République, les républicains utilisèrent le terme pour évoquer la véhémence de la presse partisane dans la diffusion des idées socialistes. Le terme devint commun et se retrouva sous la plume de nombreux écrivains, militants et politiciens ; à l’exemple de Zola dans Germinal : « Dès que leur société fut assise autour d’une petite table, Étienne s’empara de Levaque, pour lui expliquer son idée d’une caisse de prévoyance. Il avait la propagande obstinée des nouveaux convertis, qui se créent une mission 1. » (Zola,1885, p. 170), ou encore, bien des années plus tard, au sein de l’Encyclopédie socialiste, la propagande devient « la condition indispensable d’une action socialiste féconde 2 » (Collectif, 1913, p. 216), à tel point qu’un chapitre entier lui sera consacré 3 (p. 216-275). La dimension politique du terme éclipsait définitivement son sens premier.

Toutefois, en 1902, la définition de la propagande devait de nouveau s’infléchir mais, cette fois, sous l’impulsion de Lénine. En effet, dans son ouvrage Que faire ? à l’intention des militants russes, le révolutionnaire estima que la propagande n’était plus l’affaire des simples militants mais bien de révolutionnaires professionnels, « sachant généraliser tous [les] faits pour en composer un tableau complet de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la portée historique et mondiale de la lutte émancipatrice du prolétariat 4 » (Lénine, 1965, p. 432-433). Pour lui, une extériorité de la conscience socialiste s’imposait comme un impératif car le mouvement ouvrier était incapable d’élaborer une idéologie par lui-même. Dès lors, la propagande ne pouvait plus consister en un simple travail d’information puisqu’elle s’appuierait et utiliserait le mécontentement des masses ouvrières pour leur imposer des « révélations politiques » (p. 436), formulées par une élite politique se considérant comme savante et éducatrice, donc à même d’orienter des masses dénuées de connaissances.

C’est cette logique élitiste qu’Edward Bernays fit sienne dans son ouvrage Propaganda, publié en 1928. Inconnu du grand public, Edward Bernays fut pourtant l’une des personnes les plus influentes du xxe siècle, car il fut à l’origine du perfectionnement et de la systématisation des techniques permettant ce qu’il appelait la « fabrique du consentement ». Pour lui, comme il l’écrit dans le chapitre intitulé « La nouvelle propagande », « […] La minorité [gouvernante] a découvert qu’elle pouvait influencer la majorité dans le sens de ses intérêts. Il est désormais possible de modeler l’opinion des masses pour les convaincre d’engager leur force nouvellement acquise dans la direction voulue. Étant donné la structure actuelle de la société, cette pratique est inévitable. De nos jours la propagande intervient nécessairement dans tout ce qui a un peu d’importance sur le plan social, que ce soit dans le domaine de la politique ou de la finance, de l’industrie, de l’agriculture, de la charité ou de l’enseignement. La propagande est l’organe exécutif du gouvernement invisible 5. » (Bernays, 2007, p. 39) Partant du principe qu’un gouvernement a besoin de l’assentiment de l’opinion pour mener à bien sa politique, Bernays avait compris qu’il était possible d’obtenir l’asservissement consenti d’une grande partie de la population en orientant l’opinion, tout en préservant un certain vernis démocratique. Pour Bernays, le propagandiste « est ce qu’il est désormais convenu d’appeler un “conseiller en relations publiques” 6 » (p. 53). Utilisant tous les outils possibles de la communication, la tâche de ces « nouveaux propagandistes » (p. 49) est d’amener l’opinion à adhérer et à donner son soutien à des projets ou à des idées émis par un groupe minoritaire, qu’il soit un gouvernement ou une industrie. L’usage de la propagande est dès lors antidémocratique, puisqu’il y a manipulation dans le but d’imposer un comportement ou une opinion donnée, « pour créer de l’ordre à partir du chaos 7 » (p. 141). L’acception actuelle du mot propagande découle directement des idées développées dans cet ouvrage et des tristes utilisations qui en résultèrent.

II. La propagande par le fait

La première utilisation de l’expression propagande par le fait est à dater en 1877. Toutefois, quelques années plus tôt, l’idée était déjà énoncée dans l’une des dernières lettres que Mikhaïl Bakounine adressa aux compagnons de la Fédération Jurassienne.

Lassé des polémiques et des débats philosophiques, le vieux révolutionnaire écrivait, dans le Bulletin de la Fédération Jurassienne daté du 12 octobre 1873, que « […] le temps des grands discours théoriques, imprimés ou parlés, est passé. […] Le temps n’est plus aux idées, il est aux faits et aux actes. Ce qui importe avant tout aujourd’hui, c’est l’organisation des forces du prolétariat. Mais cette organisation doit être l’œuvre du prolétariat lui-même. […] Mes amis, la réaction internationale […] a déclaré une guerre à mort à l’Internationale, représentée uniquement aujourd’hui par les Fédérations autonomes et libres. Comme les prolétaires de tous les autres pays, quoique faisant partie d’une république encore libre, vous êtes forcés de la combattre, car elle s’est interposée entre vous et votre but final, l’émancipation du prolétariat du monde entier. » Insurrectionnaliste dans l’âme, Bakounine exhortait les compagnons au passage à l’action. Cependant, à la fin de son texte, Bakounine contrebalançait l’usage de la violence en l’assujétissant à deux conditions fondamentales à ses yeux :

« 1° Tenez ferme à vos principes de la grande et large liberté populaire, sans laquelle l’égalité et la solidarité elles-mêmes ne seraient que des mensonges.

2° Organisez toujours davantage la solidarité internationale, pratique, militante des travailleurs de tous les métiers et de tous les pays, et rappelez-vous qu’infiniment faibles comme individus, comme localités ou comme pays isolés, vous trouverez une force immense, irrésistible, dans cette universelle collectivité. »

Il n’est nullement question d’une violence aveugle, mais bien d’une nécessité liée à une situation injuste qu’il faut combattre et vaincre.

Pour Bakounine, la liberté, l’égalité et la solidarité apparaissent comme les valeurs cardinales qui motivent et définissent le passage à l’action. Il n’est nullement question d’une violence aveugle, mais bien d’une nécessité liée à une situation injuste qu’il faut combattre et vaincre. De fait, dans ce qui s’apparente à son testament politique, le vieux révolutionnaire envisageait désormais une lutte qui ne devait plus s’accomplir sur le seul plan théorique, puisque celle-ci avait jusqu’ici échoué, mais bien s’imposant à tous en actes.

À sa suite, également dans le Bulletin de la Fédération Jurassienne mais, cette fois, daté du 5 août 1877, Paul Brousse publiait un article intitulé « La Propagande par le fait », actant la première apparition de l’expression. Dans ce texte, après avoir souligné les limites de la propagande traditionnelle, l’auteur en vient à lui préférer ce qu’il appelle la propagande par le fait. Cette dernière est entendue comme « un puissant moyen de réveiller la conscience populaire ». Pour exprimer clairement son idée, Paul Brousse se réfère à trois exemples de l’histoire contemporaine : la Commune de Paris et sa commémoration, la manifestation de Saint-Pétersbourg en décembre 1876 et l’aventure italienne du Bénévent d’avril 1877.

Pour le militant anarchiste, la manifestation étudiante et ouvrière anti-tsariste qui se déroula devant la cathédrale Notre-Dame-de-Kazan à Saint-Pétersbourg, le 6 décembre 1876, provoqua « une émotion populaire » réelle auprès du peuple russe ainsi qu’à l’étranger. Cette émotion tiendra beaucoup à la violente répression de la manifestation par les cosaques du tsar, mais aussi aux procès iniques qui la suivirent. Mais, pour Paul Brousse, « cela ne suffit pas. Il ne suffit pas d’une propagande qui se borne à exciter l’émotion populaire. Cette attention excitée, il faut lui fournir un aliment. Le fait doit donc contenir au moins un enseignement. »

Cet enseignement, Paul Brousse le trouve dans la Commune de Paris, car celle-ci a été la manifestation concrète du « principe de l’autonomie communale », une idée à l’origine seulement connue par « une poignée de lettrés ». Cependant, ajoute-t-il, « quand l’idée a été posée au grand soleil, en pleine capitale, sur les marches de l’hôtel de ville, qu’elle eut pris corps et vie, elle alla secouer le paysan dans sa chaumière, l’ouvrier à son foyer, et paysans et ouvriers durent réfléchir devant ce point d’interrogation immense dressé sur la place publique. Maintenant l’idée a fait son chemin. En France, dans le monde, pour ou contre, chacun a pris son parti. Pour ou contre on est fixé. » Nul ne pouvait plus ignorer la Commune de Paris et sa commémoration devenait également la possibilité de faire de la propagande et, pour exemple, le militant anarchiste prend la manifestation du 18 mars 1877 à laquelle il participa.

Le 18 mars 1876, à Berne, les anarchistes célébrèrent l’anniversaire de la Commune, mais ils furent attaqués par des nervis et le drapeau rouge fut lacéré. L’année suivante, à la même date, tous les membres de la Fédération Jurassienne appelèrent à se rendre à Berne pour défiler. Le cortège avait été autorisé par le préfet qui déploiera également des gendarmes et installera un barrage à la place de la gare. De nouveau, à l’instigation des forces de l’ordre, une échauffourée éclata. De nombreux protagonistes, dont Paul Brousse, furent arrêtés et se servirent alors du tribunal comme d’une tribune. L’article de Paul Brousse retranscrit la teneur des propos échangés lors du jugement : « La bourgeoisie entretient dans l’esprit de l’ouvrier suisse ce préjugé qu’il jouit de toutes les libertés. Nous, nous lui répétons à satiété : “Pas de liberté politique sérieuse sans égalité économique ; qu’est-ce qui maintient l’inégalité ? l’État.” Le peuple saisit peu ces abstractions ; donnez-lui un fait palpable, il le saisit. Montrez-lui l’article qui lui permet de sortir son drapeau rouge, sortez ce drapeau : l’État, la police l’attaqueront, défendez-le ; le meeting qui suivra sera plein, quelques mots bien clairs et le peuple a compris. Le 18 mars a été la démonstration pratique faite au peuple ouvrier suisse, en pleine place publique, qu’il n’a pas, comme il le croit, la liberté. » L’échauffourée et ses suites judiciaires seront considérées comme une des premières manifestations de la propagande par le fait.

Quant à l’aventure italienne du Bénévent, région montagneuse à l’est de Naples, elle fut menée par Carlo Cafiero et Errico Malatesta. Le 5 avril 1877, une trentaine de militants armés, dont les deux théoriciens, surgirent dans deux petits villages du Bénévent. Bien accueillis par la population, ils s’emparèrent de la mairie, brûlèrent les actes de propriété du village, distribuèrent aux miséreux le contenu de la caisse du percepteur et tentèrent d’appliquer « un communisme libertaire en miniature ». Pourchassés par les troupes gouvernementales, les anarchistes furent finalement capturés.

Bien qu’avortée, cette action exprime bien ce que devrait être la propagande par le fait aux yeux de Paul Brousse : « Que l’on s’empare une fois d’une commune, que l’on réalise la propriété collective, que l’on organise les corps de métier et la production, les groupes de quartier et la consommation ; que les instruments de travail soient dans les mains ouvrières, les ouvriers et les leurs dans les logements salubres, les fainéants dans la rue ; attaqué, que l’on lutte, que l’on se défende, que l’on soit vaincu, peu importe ! L’idée sera jetée, non sur le papier, non sur un journal, non sur un tableau, elle ne sera pas sculptée en marbre, ni taillée en pierre, ni coulée en bronze ; elle marchera, en chair et en os, vivante, devant le peuple. Le peuple la saluera au passage. »

Au regard du texte de Paul Brousse, il est loisible de voir que la propagande par le fait n’est pas forcément violente, puisqu’elle envisage tout type d’action symbolique et forte qui a valeur d’exemple et qui peut servir à la diffusion des idées et à la défense-promotion du mouvement. Toute forme d’action contre les institutions est alors considérée comme « propagande par le fait ».

Toutefois, influencés par les nihilistes russes, les anarchistes concevront de plus en plus l’action anarchiste sous l’angle de l’insurrection, au détriment des activités syndicales ou collectives. Ainsi, sous la plume de Pierre Kropotkine, la propagande par le fait devint plus vindicative et élargit ses moyens d’action. Ainsi, dans l’article « L’action », publié dans le journal Le Révolté daté du 25 décembre 1880, Kropotkine écrit :

« C’est […] de l’action qu’il nous faut, de l’action et toujours de l’action. En faisant de l’action, nous travaillons en même temps, pour la théorie et pour la pratique, car c’est l’action qui engendre les idées et c’est elle qui se charge également de les répandre dans le monde.

[…] Notre action doit être la révolte permanente, par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite, voire même, des fois, par le bulletin de vote, lorsqu’il s’agit de voter pour Blanqui ou Trinquet inéligibles. Nous sommes conséquents, et nous nous servons de toute arme dès qu’il s’agit de frapper en révoltés. Tout est bien pour nous, qui n’est pas de la légalité. »

Au même titre que de nombreux révolutionnaires de cette époque, Kropotkine se laissait aller, dans cet article, à un lyrisme exaltant la révolte et la violence, propre à un imaginaire hérité, entre autres, des exemples de la Révolution française et de celle de février 1848. Dans le même temps, le spectre de la répression de la Commune distillait un ressentiment et une défiance à l’encontre des moyens légaux de changer la société.

Cet imaginaire marqua profondément le mouvement anarchiste de cette époque, tant et si bien que le Congrès international « antiautoritaire » de Londres du 14 juillet 1881 prôna également la nécessité d’un passage à l’action : face à « l’impuissance des réformes, des révolutions politiques et du suffrage universel à améliorer la condition ouvrière […], l’heure est venue de passer de la période d’affirmation à la période d’action, et de joindre à la propagande verbale et écrite, dont l’inefficacité est démontrée, la propagande par le fait et l’action insurrectionnelle 8 » (Maitron, 1964, p. 11). Au sein du congrès, cette prise de position radicale fut alimentée par un agent provocateur de la police française, mais aussi par les débats autour des événements russes contemporains et, plus particulièrement, l’assassinat de l’empereur Alexandre II en mars 1881. Bien que le congrès fit une nette distinction entre « tous les actes susceptibles de se substituer aux discours pour propager les idées révolutionnaires », c’est-à-dire la propagande par le fait, et « l’action révolutionnaire se donnant pour but de renverser la politique des formes d’oppression » (p. 11), les deux actions en vinrent à n’en former plus qu’une dans l’esprit de nombreux militants.

III. La Terreur noire

En France, c’est dans le contexte particulier de la Troisième République que la propagande par le fait fit son apparition. Le spectre de la Commune de Paris hanta profondément les débuts de la République et, malgré la chape de plomb qui recouvrait les événements de 1871, le traumatisme que suscita la répression de ce formidable espoir, celui d’une société démocratique et sociale, était encore bien présent dans le monde ouvrier. L’amnistie de 1880 n’arrangea rien puisqu’elle décréta l’oubli des faits, et du projet social des communards qui apparaissait comme une grave menace pour l’ordre social et politique. Avec l’amnistie, tout projet de contestation sociale devint irrecevable. Les tenants du pouvoir, quant à eux, s’attelaient à imposer un modèle libéral pour asseoir et accroître leur prospérité matérielle dans une société minée par de flagrantes inégalités.

Les crises et scandales financiers et politiques se succédèrent : le krach de l’Union générale (1882) ; l’affaire du trafic de décorations autour de Wilson, gendre du président Jules Grévy (1887) ; la crise boulangiste (1887-1889) ; le scandale de Panama (1892) ; l’affaire Dreyfus (1894-1906) ; sans compter l’expansion coloniale, l’affairisme, les prises illégales d’intérêts, la corruption et les trafics d’influence divers et variés, le mépris pour les questions économiques et sociales soulevées par les travailleurs, la répression violente des manifestations.

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le premier « attentat anarchiste » fût impulsé et organisé par la préfecture de police. Le 16 juin 1881, une bombe explosa et causa d’infimes dégâts à la statue de Thiers à Saint-Germain-en-Laye. L’attentat fut mis au compte des anarchistes et relayé par la presse. Comme le nota dans ses mémoires le préfet de police Louis Andrieux, « il fallait que l’acte fût consommé pour que la répression fût possible 9. » (Andrieux, 1926, p. 264) Pour ce faire, la Préfecture de police avait infiltré le mouvement révolutionnaire avec des agents provocateurs et avait créé un journal anarchiste, La Révolution sociale. Un agent fut envoyé au congrès de Londres pour favoriser la radicalisation du mouvement et, pour la première fois, dans les pages de La Révolution sociale, des recettes d’explosifs furent publiées. Le but avoué était de forcer l’anarchisme à passer à l’acte, à faire usage d’une violence qui le présenterait sous un mauvais jour et lui aliénerait ainsi l’opinion publique, permettant en retour aux instances dirigeantes de le réprimer durement.

Dans un premier temps, les incitations de la police n’eurent pas l’effet escompté car la radicalisation du mouvement se fit attendre et, à part quelques exceptions, la propagande par le fait se fit rare. Ainsi, entre 1882 et 1885, une organisation ouvrière d’inspiration anarchiste nommée la Bande noire s’attaqua à la dynamite aux symboles catholiques de la région minière de Montceau-les-Mines avant de s’en prendre au pouvoir local et aux informateurs de la police ; aucune victime ne fut à déplorer. Durant l’année 1886, Clément Duval, membre du groupe anarchiste « La Panthère des Batignolles », pratiqua la reprise individuelle, l’une des formes d’action de la propagande par le fait et principe central de l’illégalisme anarchiste, c’est-à-dire la réappropriation des biens des classes dominantes afin de les redistribuer aux plus pauvres. Lors de son procès, Duval défendit cette idée selon laquelle l’appropriation capitaliste est une forme de vol et que le vol est donc tout aussi justifié que la propriété. Pour cette idée, Clément Duval sera condamné aux travaux forcés.

Le 5 mars 1886, Charles Gallo jeta une bouteille d’acide prussique au beau milieu de la corbeille de la Bourse de Paris et accentua l’agitation provoquée en tirant des coups de feu en l’air. Il n’y aura pas de blessés. Lors de son procès, Charles Gallo se revendiqua de la propagande par le fait. En s’en prenant à la Bourse, Gallo s’attaquait au symbole de l’économie capitaliste. Il sera condamné aux travaux forcés.

En France, le véritable déclencheur de la vague d’attentats dits « anarchistes » fut la répression des manifestations du 1er mai 1891, manifestation en hommage à la journée de huit heures de travail obtenue au prix du sang à Chicago, en 1886 10.

Le 1er mai 1891, jour de la fusillade de Fourmies, une vingtaine de manifestants défilèrent de Levallois-Perret à Clichy. À la fin de la manifestation, le commissaire de police de Levallois-Perret donna l’ordre de se saisir de ses instigateurs. Des coups de feu seront échangés et des agents de police furent légèrement blessés. Trois anarchistes furent arrêtés. Dès leur arrivée au poste, les trois hommes subirent un violent passage à tabac. Lors de leur procès, le 28 août de la même année, l’avocat général Bulot requerra la peine de mort contre l’un des prévenus. Le verdict fut sévère : alors que l’un des prévenus est acquitté, les deux autres sont successivement condamnés à une peine de cinq ans et de trois ans de prison. L’affaire aura un grand retentissement dans le milieu anarchiste.

Face à la brutalité policière et la dureté du jugement rendu, l’anarchiste Ravachol dynamita successivement l’immeuble du conseiller Edmond Benoît, président des assises lors de l’Affaire de Clichy, puis celui du substitut Bulot en mars 1892. Bien que sept personnes furent blessées lors du second attentat, les dégâts furent avant tout matériels. Arrêté au restaurant Véry après avoir été dénoncé par le garçon de café, Ravachol sera, dans un premier temps, condamné aux travaux forcés à perpétuité pour les attentats avant d’être renvoyé devant la cour d’assises de la Loire pour des crimes de droit commun. Il sera alors condamné à mort et exécuté en juillet 1892.

En réaction à la délation dont fut victime Ravachol, le restaurant Véry fut dynamité en avril 1892 provoquant la mort de deux personnes, le patron et un client, ainsi que d’importants dégâts matériels. D’autres anarchistes passèrent également à l’action pour venger Ravachol. Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lança une bombe dans l’hémicycle de la Chambre des députés (Fig. 1).

Fig. 1. Le Petit Journal, Supplément du 23 décembre 1893
Fig. 1. Le Petit Journal, Supplément du 23 décembre 1893

Une cinquantaine de personnes furent légèrement blessées. Malgré l’absence de victime et une demande de grâce, Vaillant fut guillotiné le 5 février 1894. En représailles, Sante Geronimo Caserio, un anarchiste italien, assassina à Lyon le 24 juin 1894 Sadi Carnot, qui avait refusé la grâce de Vaillant. Entre-temps, en novembre 1892, une bombe explosa au commissariat de la rue des Bons-Enfants, tuant cinq agents de police. À l’origine, l’attentat visait les locaux de la Compagnie des Mines de Carmaux, suite à un long conflit qui opposa les ouvriers et la direction de la Compagnie, mais la bombe, une fois découverte, fut amenée au commissariat. En novembre 1893, voulant s’attaquer aux nantis, Léon Lauthier blessa au couteau le client d’un grand restaurant qui se révéla être l’ambassadeur de Serbie. Pour son geste, il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Dans un premier temps, la propagande par le fait s’en prit à l’État et à ses soutiens : le pouvoir économique fut attaqué par Gallo puis vinrent Ravachol qui frappa le pouvoir judiciaire, Vaillant le pouvoir législatif et Sante Geronimo Caserio l’exécutif. La bombe du commissariat de la rue des Bons-Enfants visait quant à elle le patronat. Toutefois, la réaction violente et sans discernement de l’État entraîna une surenchère qui déboucha sur la « violence aveugle », pour laquelle « il n’y a pas d’innocents », à l’exemple de celle qui frappa le restaurant Foyot ou le café Terminus de la gare Saint-Lazare qui fit une vingtaine de blessés, dont un qui succomba à ses blessures. Entre 1892 et 1894, durant la période dite de la Terreur noire, neuf personnes furent tuées.

Cette série d’attentats et, plus particulièrement, celui touchant la chambre des députés, entraînèrent le vote des « lois scélérates » en décembre 1893 et juillet 1894 aboutissant à une criminalisation de l’ensemble du mouvement libertaire. La justice ne s’attaquait plus seulement à des actes qu’on pouvait objectivement décrire, elle prenait d’assaut les idées elles-mêmes, ce qui revenait à promulguer un délit d’opinion et de mettre hors-la-loi une catégorie de personnes, de les exclure définitivement du débat politique.

Sous sa forme violente, la propagande par le fait fut un échec, puisqu’elle ne développa pas nécessairement une conscience politique révolutionnaire dans les milieux populaires, mais qu’au contraire elle entraîna une réaction de l’État et une vague de répressions sans précédent des milieux libertaires. Dans la formation d’une image négative de l’anarchisme, les médias eurent quant à eux un rôle considérable, puisqu’ils installèrent et entretinrent un climat de peur au sein de la population. La représentation du terroriste anarchiste sous le signe de la folie, de la pathologie et du mal permit d’occulter les problèmes sociaux profonds qui touchaient la société de cette époque, et que les anarchistes s’évertuaient de dénoncer. La violence ne pouvait en aucun cas être perçue comme l’expression d’une révolte désespérée face à un sentiment et à une situation d’oppression.

La représentation du terroriste anarchiste sous le signe de la folie, de la pathologie et du mal permit d’occulter les problèmes sociaux profonds qui touchaient la société de cette époque, et que les anarchistes s’évertuaient de dénoncer.

C’est dans cette atmosphère que, le 6 août 1894, s’ouvrit le procès des Trente, amalgamant 19 anarchistes à 11 accusés de délits de droit commun. Le procès devait servir à dramatiser la dangerosité des théories anarchistes, alors associées au dérèglement de l’intelligence et de la moralité, mais, à l’exception de quelques voies de fait mineures commises par trois justiciables, il n’en résulta qu’un acquittement général.

En raison de sa couverture médiatique, l’attentat révolutionnaire passa pour la seule expression possible de la propagande par le fait et imposa une vision tronquée de l’anarchisme. Cette approche éclipsait les formes multiples et pacifiques que la propagande par le fait pouvait prendre. Pour ceux qui voulurent vivre en anarchie, dans les communautés libertaires de cette époque, la propagande par le fait pouvait s’exprimer à travers une variété d’actions non violentes qui permettaient d’affirmer le bien-fondé de l’Anarchie. En effet, l’utilisation de la violence ne faisait pas l’unanimité au sein des anarchistes, pour la majorité desquels une société nouvelle ne pouvait pas se fonder par la violence qui est elle-même l’expression d’une domination. Encore aujourd’hui, les anarchistes, de façon quasi unanime, s’accordent à poser la question de la fin et des moyens dans les principes et à y répondre en concluant que la fin est contenue dans les moyens. Dans L’Homme révolté, Albert Camus perpétua ce débat : « La fin justifie les moyens ? Cela est possible. Mais qui justifiera la fin ? À cette question, que la pensée historique laisse pendante, la révolte répond : les moyens. » (Camus, tome 3, 2008, p. 312) Ainsi, au sein du courant de l’anarchisme non-violent et du pacifisme libertaire, les formes non-violentes de résistance, à l’exemple de la protestation non-violente ou de la désobéissance civile, sont prônées afin de provoquer des changements sociaux et une révolution en accord avec l’idéologie anarchiste.

IV. La propagande par l’image

Dans la déferlante médiatique à l’encontre de l’anarchisme durant la dernière décennie du siècle, un article détonna par son propos à rebours puisque, au contraire de la presse, il ne se focalisa pas sur les attentats anarchistes. Il s’agit du « Péril anarchiste », écrit par le journaliste Félix Dubois et publié dans le Figaro Supplément littéraire du samedi 13 janvier 1894 (Fig. 2).

Fig. 2. Le Figaro, Supplément littéraire du 13 janvier 1894
Fig. 2. Le Figaro, Supplément littéraire du 13 janvier 1894

L’introduction du texte se voulait un avertissement : « À côté de la propagande par le fait, encore rare, il y a la propagande théorique, multiple celle-là, et, nous semble-t-il, de beaucoup plus dangereuse. C’est elle que nous avons tenu à placer sous les yeux du public. Propagande par l’image, propagande par les écrits, on pourra se rendre compte de toutes les haines, de tous les blasphèmes que l’on sème au nom d’une humanité meilleure, et aussi de toutes les chimères, de toutes les utopies évoquées pour attiser ces haines ! » Dans cet article, l’ensemble des illustrations étaient empruntées au Père Peinard et, dans la partie intitulée « La propagande par l’image », Félix Dubois précisait : « La huitième et dernière page du Père Peinard est occupée dans chaque numéro par une gravure. On pourra se rendre compte, par les reproductions que nous en avons faites, de ce qu’est cette propagande par l’image. […] Elle a pour but de rendre pour ainsi dire tangibles les théories du parti, de les traduire pour la foule des peu cultivés sous la forme de dessins, qui invitent à la fois au rire et à la réflexion. […] Bon nombre de ces gravures s’enlèvent d’une puissante envolée au-dessus de l’habituelle caricature, et sont incontestablement des œuvres d’art. »

Dès 1872, avec le Bulletin de la Fédération Jurassienne publié en suisse, l’anarchie trouva dans la presse un outil idéal pour diffuser ses idées. Toutefois, il faudra attendre le début des années 1880, avec le retour des amnistiés de la Commune, l’organisation croissante des groupes anarchistes et la libéralisation de la presse pour que les publications anarchistes puissent se développer. Dès lors, livres, affiches, tracts, journaux et revues se multiplièrent.

Si la propagande anarchiste s’était avant tout définie sur le mode du discours, qu’il soit oral ou écrit, la volonté de diversifier les moyens de diffusion de l’anarchie impliqua également l’usage croissant de l’image. À partir de mai 1890, d’une manière hebdomadaire, le Père Peinard proposa des illustrations. Dès lors, l’image devint une tribune et, à l’exemple du Père Peinard, de nombreux autres périodiques parisiens recoururent à l’image pour appuyer la propagande développée dans leurs pages. Parmi ces périodiques, les principaux seront Le Libertaire (1895-1914), Les Temps nouveaux (1895-1914), La Feuille (1897-1899), L’Anarchie (1905-1914), La Guerre sociale (1906-19016), pour ne citer que ceux-là.

V. Le Père Peinard

Le premier numéro du Père Peinard fut publié le 24 février 1889. Fondé par Émile Pouget dans l’esprit du Père Duchesne sous la Révolution et du Fils du Père Duchêne illustré publié sous la Commune, ce journal hebdomadaire populaire et résolument anarchiste se caractérisa par l’usage de l’argot des travailleurs. L’aventure du journal dura treize années, non sans difficultés. Son style direct et son appel répété à la rébellion et à l’organisation contre toutes les institutions qui oppriment l’individu lui valurent d’être de nombreuses fois poursuivi en justice et contraint à quelques interruptions de publication, changeant même de nom entre mai 1895 et octobre 1896 pour La Sociale.

Pour ce qui est des illustrations, le Père Peinard trouva en Maximilien Luce un collaborateur précieux car, bien que d’autres illustrateurs participèrent à l’aventure du journal, à l’exemple des fils de Camille Pissarro, d’Émile Gravelle, de Théophile-Alexandre Steinlen, il en fut le principal contributeur. Pour le Père Peinard, Luce dessinera trois en-têtes du journal, sur les quatre au total, et lui donnera de nombreuses vignettes et une multitude d’illustrations.

Fig. 3. En-tête du Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration Maximilien Luce
Fig. 3. En-tête du Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration Maximilien Luce

Parmi les en-têtes du journal dessinés par Luce, l’artiste en proposa un nouveau à partir du 18 octobre 1891 (Fig. 3), qui reprenait un précédent dessiné par Pol Cizoc, qui s’inspira d’une illustration du Père Fouettard publiée sous la Commune. À ce dessin, il apporta une plus grande fluidité de mouvement et ajouta décor et détails. Cet en-tête était déjà sans conteste une procession de foi antiétatique : solidement planté sur ses pieds et les manches retroussées, le « gniaff journaleux » menace d’une ceinture les ennemis de l’anarchie, c’est-à-dire les représentants de l’État : le corps politique et économique, l’armée, la justice et l’Église. Face à la colère du Père Peinard, la déroute est complète : les tenants de l’ordre établi s’enfuient et, dans la précipitation, abandonnent de nombreux attributs du pouvoir qui jonchent le sol : une croix, une table de loi, un titre de banque, un sceptre, une couronne, une main de justice et les balances de la justice. À l’arrière-plan, les bâtiments officiels, symboles de l’oppression institutionnelle, sont en train de s’effondrer : le corps législatif (regroupant la Chambre des députés et le Sénat), une prison, la bourse, une église et une caserne. Le message était sans ambiguïté : le journal s’attaquait à l’État et à ses représentants et c’est par la révolution qu’il comptait bien y mettre fin.

VI. Les soutiens de la société

Dans la rhétorique anarchiste et du mouvement ouvrier, dont elle est issue, l’opposition entre riches et pauvres, oppresseurs et opprimés, capital et travail est une constante. Nombre de dessins de Maximilien Luce eurent pour sujet la dénonciation des injustices sociales, de la pauvreté et des souffrances du peuple à travers des images qui échappent aux lieux communs, ne voulant pas « retomber dans l’éternel miséreux et la chose sentimentale 11», comme l’artiste l’écrivit à Jean Grave. De fait, Luce choisit de dénoncer plus particulièrement les forces oppressives de l’État, ce qu’il appela les soutiens de la société. Rien de nouveau donc au regard de l’en-tête dessiné par Luce pour le journal. Cependant, Maximilien Luce en complexifiera la composition afin de matérialiser le joug que celles-ci imposent à la société.

Dans un premier temps, il élabora une hiérarchisation simplifiée de la société en l’appliquant au travail et au capital.

Fig. 4. Père Peinard, numéro 126, 16 août 1891, illustration Maximilien Luce « Capital et travail »
Fig. 4. Père Peinard, numéro 126, 16 août 1891, illustration Maximilien Luce « Capital et travail »

Publiée le 16 août 1891 dans le numéro 126 du Père Peinard, la lithographie Capital et Travail (Fig. 4) présente des travailleurs soutenant sur leur dos un puissant, un homme de la finance, en l’occurrence le baron Alphonse de Rothschild (1827-1905), désigné comme le Roi des Grinches, c’est-à-dire des voleurs. Luce lie le pouvoir au capital afin de montrer que la détention du capital par une poignée de privilégiés est créatrice d’inégalités, source de misère et de souffrance pour les uns, et de bien-être pour les autres. Visuellement, Maximilien Luce se référait aux atlantes de l’architecture ainsi qu’à l’iconographie populaire, à l’exemple du Tiers-Etat portant sur son dos le Clergé et la Noblesse de la Révolution française ou du Clovis porté sur un pavois de l’histoire mérovingienne telle qu’elle était représentée dans les manuels scolaires de l’époque.

À partir de cette première illustration, Maximilien Luce en développa une nouvelle, plus complexe qu’il nomma La pyramide sociale (Fig. 5).

Fig. 5. Père Peinard, numéro 112, 11 décembre 1898, illustration M. Luce « La pyramide sociale »
Fig. 5. Père Peinard, numéro 112, 11 décembre 1898, illustration M. Luce « La pyramide sociale »

Publiée dans le Père Peinard du 11 décembre 1898, cette lithographie montre de nouveau les travailleurs portant ceux qui les oppriment et les exploitent. Cependant, cette fois, au niveau de la base, les travailleurs sont particularisés, indiquant de cette manière leur corps de métier ainsi que leur appartenance au monde rural ou urbain, comme le montre la pioche des terrassiers, l’enclume ou le soc de charrue, mais également leur tenue vestimentaire. Sur leurs épaules reposent les trois niveaux successifs des oppresseurs s’élevant en nombre décroissant. En première position viennent l’église, l’armée puis la justice et, enfin, un homme de pouvoir réunissant en lui le corps politique et économique de l’État. L’État est donc construit comme un édifice fortement hiérarchisé fonctionnant à partir d’une subordination verticale allant du sommet vers la base. La légende accompagnant cette illustration peut être rapprochée d’une citation d’un article de Proudhon, publié en 1848 : « Quand le peuple, se levant de sa léthargie, secouera ces millions d’insectes qui le dévorent, et que la débâcle capitaliste aura commencé, alors, hommes du pouvoir, vous reconnaîtrez, mais un peu tard, la nécessité d’organiser l’échange 12. » (Proudhon, 1868, p. 79-80) Pour Luce, il n’y a plus de nécessité d’organiser un quelconque échange – nous dirions aujourd’hui une répartition des richesses –, puisque, pour lui, il est plutôt question que l’édifice s’écroule une fois pour toutes par l’action de sa base afin de construire une nouvelle société, plus juste et égalitaire.

Dans les pages du Père Peinard, les soutiens de la société sont indéniablement les cibles privilégiées de Maximilien Luce, puisqu’ils sont indispensables au bon fonctionnement de l’État. Parmi ceux-ci, l’armée tient une place à part puisqu’elle est le bras armé de l’État, l’expression de sa force brutale. Dans le climat social difficile de la Troisième République, nourri de nombreuses revendications, l’armée éclipsa la police comme garante du maintien de l’ordre public, et apparut comme un agent d’oppression et de répression. À de nombreuses reprises, l’Armée fut appelée pour rétablir l’ordre lors des émeutes, grèves et manifestations du monde ouvrier. Cette facette de l’action de l’armée est souvent développée par Maximilien Luce, qui la rapproche fréquemment des événements de la Semaine sanglante. Ainsi une illustration réalisée dans le cadre de la commémoration de la Commune peut être reprise par la suite, tout en développant une critique plus large de l’Autorité.

C’est le cas pour l’illustration publiée dans La Sociale du 31 mai 1896. Elle présente un gradé de l’armée, debout, examinant son sabre comme s’il en éprouvait la lame après avoir passé ses victimes au fil de l’épée. Celles-ci gisent à ses pieds tandis qu’en direction de la ville esquissée, d’autres cadavres sont visibles. La légende contextualise l’image : « À l’armée !… Souvenir de mai 1871 ». Sans changement graphique, la lithographie est réutilisée en 1900 dans le Père Peinard du 11 mars (Fig. 6).

Fig. 6. Père Peinard, numéro 9, 11 mars 1900, illustration M. Luce « Disciple de Galliffet »
Fig. 6. Père Peinard, numéro 9, 11 mars 1900, illustration M. Luce « Disciple de Galliffet »

Cependant, le titre est modifié et devient « Disciple de Galliffet ! » tandis que sa légende l’inscrit dans un contexte contemporain tout à fait compréhensible pour le lecteur du journal : « C’est bon de tuer des noirs ! Mais ce serait bien meilleur d’étriper des Parisiens. » Le changement de légende intervient peu de temps après la répression de la grève des ouvriers agricoles de février 1900 en Martinique 13. Toutefois, dans le cadre plus large d’une dénonciation des agissements des troupes françaises à Madagascar ou au Soudan, la lithographie englobe les exactions perpétrées par les troupes militaires à l’étranger, sans pour autant oublier les violentes répressions qu’elle a à son actif sur le territoire français, à l’exemple de la Commune de Paris ou lors de manifestations ou de grèves, comme ce fut le cas à François en Martinique en février 1900 ou à Fourmies le 1er mai 1891.

Un autre exemple de cette proximité entre la Semaine sanglante et les exactions continuelles de l’armée se trouve dans l’illustration publiée dans La Sociale du 26 juillet 1896 (Fig. 7).

Fig. 7. La Sociale, numéro 64, 26 juillet 1896, illustration M. Luce « Les soutiens de la société »
Fig. 7. La Sociale, numéro 64, 26 juillet 1896, illustration M. Luce « Les soutiens de la société »

Cette lithographie présente Gaston de Galliffet, le bourreau de la Commune, marchant la main dans la main avec le général de brigade Louis Archinard, à ce moment affecté au Soudan. L’un et l’autre empoignent par la chevelure des têtes tranchées. Le décor est sommairement esquissé, mais il ne laisse aucun doute quant aux lieux où se sont illustrés les deux hommes. Pour Gallifet, l’Arc de Triomphe situe ses faits d’armes à Paris tandis que, pour Archinard, la végétation tend vers un milieu rural, le Soudan en réalité. D’un paysage à l’autre, des cadavres sont étendus sur le sol. La légende accompagnant cette image « Nos futurs Maréchaux : Galliffet, dit Ventre d’argent 14, et Archinard, dit le Tanneur de moricauds » souligne bien que l’un et l’autre incarnent, dans toute son horreur, le militaire sanguinaire au service de la patrie et honoré par celle-ci.

Ainsi, chez Luce, comme pour de nombreux anarchistes, l’antimilitarisme va de pair avec l’anticolonialisme car, que cela soit au nom de la patrie ou de la civilisation occidentale, des assassinats, des humiliations, des violences, des mauvais traitements sont perpétrés en toute impunité sur le territoire français ou à l’étranger. Dans la lignée de ses travaux précédents, Maximilien Luce passe du particulier au général et s’attaque aux concepts mêmes de civilisation et de patrie en créant deux nouvelles figures allégoriques. L’une et l’autre possèdent un titre de civilité puisque Luce les présente comme Madame Patrie et Madame Civilisation, mais cette distinction est automatiquement contrebalancée par leur physique et par la légende ou le titre l’accompagnant. En effet, elles sont toutes les deux désignées comme des garces.

Fig. 8. Père Peinard, numéro 143, 13 décembre 1891, illustration M. Luce « Patrie »
Fig. 8. Père Peinard, numéro 143, 13 décembre 1891, illustration M. Luce « Patrie »

La Patrie (fig. 8) est une œuvre graphique saisissante, rappelant l’image de saturne dévorant ses enfants et la peinture du même sujet par Goya. S’inspirant du folklore et de la littérature fantastique, à l’exemple de Poe, de Paul Féval ou de Lautréamont, Maximilien Luce fait de cette vieille femme assise au milieu d’un tas de squelettes une goule, une créature monstrueuse à l’appétit insatiable. Nul besoin d’aller bien loin pour rencontrer cette créature, puisque la scène se déroule dans le monde occidental comme l’horizon nous l’indique, où sont visibles des usines déversant et saturant le ciel de leur âcre fumée. Comme pour d’autres illustrations, Luce réutilisera celle-ci par la suite pour un recueil de textes publiés par Jean Grave en 1902, Guerre-Militarisme, puis pour Contre la folie des armements, une brochure des Temps nouveaux publiée en 1913.

Les massacres commis à l’étranger au nom de la patrie et de la civilisation révulsent nombre d’anarchistes qui éprouvent une réelle sympathie pour les peuples opprimés et une haine sans cesse renouvelée pour leurs oppresseurs.

Fig. 9. Père Peinard, 4 décembre 1892, illustration M. Luce « Madame Civilisation »
Fig. 9. Père Peinard, 4 décembre 1892, illustration M. Luce « Madame Civilisation »

Dans Jolie garce, Mme Civilisation (fig. 9), loin de l’allégorie classique inspirée de l’antique, la figure personnifiant la civilisation n’a plus rien de majestueux, elle n’est plus qu’une figure grimaçante et sauvage. Elle ne porte plus le flambeau des Lumières mais bien une torche incendiaire, tandis que de l’autre main elle tient, semble-t-il, une baïonnette. Sa tunique est rustre et elle porte à sa ceinture des têtes tranchées. Tout autour d’elle ne sont que mort et désolation. L’image permet un renversement de valeur puisque, au contraire du discours colonial, la mission civilisatrice n’apporte pas aux peuples colonisés la culture mais bien la mort. La vision manichéenne reposant sur les dichotomies Occident/les autres, civilisé/sauvage, culture/nature est inversée puisque la civilisation personnifie ici la sauvagerie, une violence primitive.

VII. Des victimes de la Révolution

Face aux dérives de l’État et de ses représentants, l’anarchisme préconise la lutte sous toutes ses formes pour que le peuple parvienne à s’émanciper de ses chaînes quotidiennes. Toutefois, les revendications du peuple sont rarement entendues et, lorsque celui-ci s’organise pour dénoncer sa condition, la réaction de l’État est souvent violente. Maximilien Luce pose ce constat dans une illustration du Père Peinard du 19 novembre 1893 (fig. 10).

Fig. 10. Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration M. Luce « Bilan des victimes sociales de l’État »
Fig. 10. Père Peinard, numéro 244, 19 novembre 1893, illustration M. Luce « Bilan des victimes sociales de l’État »

Sans titre, cette illustration présente une femme personnifiant l’histoire, tentant de résoudre le difficile problème de trouver un équilibre entre les nombreuses victimes de l’autorité et celles, plus rares, des Révoltes. Derrière elle, le Père Peinard l’interpelle pour lui signifier que cette tentative de conciliation est inutile puisque l’ensemble de ces victimes sont de la responsabilité de l’État. Sur le mur du fond, bien en vue, une pancarte intitulée « Bilan des victimes de l’État social » dresse la liste des événements et des causes liés aux luttes sociales et les sépare en deux colonnes qui opposent autorité et révolte. Cette liste commence avec la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’à des événements plus récents, comme la manifestation du 1er mai 1891 à Fourmies. Aux dates historiques s’ajoutent des causes directement imputées à l’État, comme la prostitution, la misère, la famine, les suicides, les infanticides, les coups de grisou et les grèves. Maximilien Luce n’arrête pas cette liste au seul territoire français, car il y adjoint les persécutions dont sont victimes les anarchistes de par le monde, comme à Chicago, en Espagne ou en Russie. Le bilan est sans appel : le nombre des victimes de l’autorité au regard de celles provoquées par les révoltes est innombrable. L’État est donc le seul responsable de la situation.

Ainsi, pour Luce et les anarchistes, la destruction de l’État et de ses institutions est la seule solution afin de pouvoir accéder à un monde meilleur. L’un des moyens de lutter contre les agissements de l’État est la grève générale. Dans le Père Peinard, cette forme de lutte sera justement de plus en plus prônée par Émile Pouget, qui milite activement en faveur du syndicalisme. En 1898, les terrassiers parisiens furent à l’origine d’une grève générale du bâtiment, qui s’acheva par une tentative de grève générale interprofessionnelle, avec environ 40 000 grévistes. C’est à l’apogée de ce mouvement que Maximilien Luce publie une illustration significative dans le Père Peinard du 9 octobre (fig. 11).

Fig. 11. Père Peinard, numéro 103, 9 octobre 1898, illustration M. Luce « Vieux frère, es-tu du syndicat des démolisseurs ? »
Fig. 11. Père Peinard, numéro 103, 9 octobre 1898, illustration M. Luce « Vieux frère, es-tu du syndicat des démolisseurs ? »

Cette lithographie montre deux ouvriers discutant devant quelques monuments de la capitale en toile de fond. L’un des ouvriers portant une pioche sur son épaule ressemble étrangement au père Peinard. Ce dernier interpelle un ouvrier du bâtiment en grève assis sur un banc avec son outil de travail posé à côté de lui : « Dis donc, eh ! Vieux frère, es-tu du syndicat des démolisseurs ? » L’appel, que vient relayer la main désignant la capitale, est sans ambiguïté : le Père Peinard en appelle à détruire les diverses institutions de l’État et expressions de son autorité : conseil de guerre, corps législatif, ministère, bourse, instituts, prisons, casernes. La révolte contre ce qui aliène l’homme est une constante tant pour Luce que pour les sympathisants de l’anarchie. Pour eux, l’émancipation de l’homme passe par la destruction de l’autorité sous toutes les formes qu’elle peut emprunter.

Parfaitement conscient du rôle politique et social des images qu’il créa, Luce élabora une relation discursive au sein d’une production qui se voulu à la fois textuelle et artistique. L’image se construisit dès lors à partir d’une multitude d’interactions entre le champ théorique de l’Anarchie et les convictions de Luce mais également entre la culture visuelle de l’artiste et celle de son époque.

Maximilien Luce a été un témoin de son temps et, à travers les lithographies, les affiches, les couvertures de brochures et les dessins qu’il réalisa, il participa pleinement à la construction d’un discours social, mais également d’une culture idéologique et esthétique, celle du mouvement anarchiste. D’une part, en mettant en image les idées de l’anarchisme et, d’autre part, en les vivifiant dans l’expérience de l’actualité, dans un contexte politique et social donné.

Pour l’artiste anarchiste, la création d’images appartient à la propagande par le fait, puisqu’elle permet d’éveiller les consciences et, en cela, participe à la lutte pour changer le monde. Ainsi, chez Luce se révèle une pratique graphique dans laquelle art et société, artiste et militant ne sont pas dissociés mais continuellement questionnés. De fait, il faut considérer Maximilien Luce comme l’une des figures majeures de l’iconographie anarchiste et de la propagande par l’image.

VII. En guise de conclusion

Hormis dans la tendance syndicaliste, qui préserva une tradition d’action et pour laquelle la propagande par le fait laissa la place à la notion « d’action directe 15 » ou de « syndicalisme révolutionnaire », et s’incarne souvent dans les propositions de sabotage et de grève générale, la nécessité première fut de vivre en anarchiste, c’est-à-dire d’être à la fois le témoin et le messager d’une nouvelle socialité. Dès lors, la propagande par le fait devint une position existentielle pour laquelle action, idées et vie sont intimement liées. De la sorte, l’exemplarité du militant devint l’expression même de la propagande par le fait. Dans le cadre de la propagande par l’image, la création graphique devient l’expression de la pensée d’un militant, la matérialisation de sa réflexion sur la société et de sa volonté d’agir sur elle en captant l’attention d’un regardeur dans le but de le convaincre du bien-fondé du message délivré et, par là même, de lui faire rejoindre la lutte. Dès lors, l’image créée ne se limite plus à illustrer un texte mais elle devient un message à part entière dont la diffusion peut envahir l’espace public, et ainsi toucher le plus grand nombre, sous la forme de tracts, d’affiches, de motifs laissés par un pochoir sur un mur. Comme pour Luce, l’artiste et le militant sont alors indissociables et son engagement se concrétise par une propagande active, s’éloignant dès lors d’une propagande strictement théorique pour rejoindre celle par le fait, par un mode d’action non-violent cherchant à éveiller les consciences et susciter la révolte.

D’une manière plus générale, dans le courant individualiste de l’anarchisme, ce positionnement existentiel se retrouva sous la plume de nombreux militant, à l’exemple de celle d’Albert Libertad qui écrivait, en 1903 :

L’anarchiste sent que s’il ne peut se dérober à la forme extérieure de l’autorité, il lui est aussi difficile, sinon plus, de se dérober à sa forme intérieure, jetée en lui par l’atavisme des siècles.

[…] Pour nous, l’anarchiste est celui qui a vaincu en lui les formes subjectives de l’autorité : religion, patrie, famille, respect humain ou qu’en dira-t-on, et qui n’accepte rien qu’il n’ait passé au crible de sa raison autant que ses connaissances le lui permettent.

[…] rien ne vaut le travail du ferment pur, nous nous appliquons à vivre ce que nous croyons être bon, à formuler ce que nous vivons, sûr que c’est là la véritable lutte. Et lorsque l’occasion vient, nous savons nous en prendre aux formes matérielles de l’autorité, mieux et plus, nous le disons orgueilleusement, que ceux qui, alors grisés de mots, prêchent le calme à l’heure des gestes 16.

L’anarchie se pense alors comme un regard et une critique de l’institué. Elle est une attitude, une disposition, une forme de pensée qui se construit dans son expérimentation même. Dans un mouvement dialectique, l’anarchie met alors à l’épreuve chacun des termes de la société pour y substituer une ouverture vers un horizon des possibles et non l’asservissement consenti à l’impératif des possibilités. Dans ce sens, la propagande par le fait revient à créer et organiser des alternatives, des outils amovibles et mouvants qui s’inscrivent dans les multiples configurations de la vie et tentent de la changer. Cela signifie se vouloir conséquent, c’est-à-dire prendre au sérieux les exigences de son idéal et s’efforcer d’y conformer ses actes.

La propagande par le fait se déploie alors sous de multiples aspects de la vie quotidienne, et face à une réalité sociale minée par des problématiques systémiques violentes, destructrices, inhumaines et anxiogènes, elle prône une résistance, un élan utopique sans cesse renouvelé, à partir d’une horizontalité des relations basées sur l’écoute et le partage, en cultivant les différences dans l’égalité, pour relever les défis du monde : activisme écologiste, boycott des chaînes de restauration rapide, de l’industrie agroalimentaire, du textile, création de collectifs, de ZAD, de coopératives, d’associations de citoyens, organisation de manifestations…

Ainsi le mouvement anarchiste se caractérise par un mode d’existence en perpétuel devenir qui a dû faire – et doit encore faire – avec son époque et ses préjugés, ses contingences, tout en conservant un regard critique introspectif qui lui permet de se métamorphoser sans cesse et de coller au réel.

Bibliographie

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  1. Zola, Emile, Germinal, Paris, Charpentier, Paris, 1885, p. 170. [Retour au texte]
  2. Collectif, Encyclopédie socialiste, syndicale et coopérative de l’Internationale ouvrière. Tome 2, Le Parti socialiste en France, Paris, Aristide Quillet, 1913, p. 216. [Retour au texte]
  3. Ibid., en particulier le chapitre XXII, p. 216-275. [Retour au texte]
  4. Lénine, Que Faire ?, in Lénine, Œuvres, tome 5, Paris, Moscou, Éditions sociales, Éditions en langues étrangères, 1965, p. 432-433. [Retour au texte]
  5. Bernays, Edward, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, Paris, La Découverte, 2007, p. 39. [Retour au texte]
  6. Ibid., p. 53. [Retour au texte]
  7. Ibid., p. 141. [Retour au texte]
  8. Maitron, Jean, Ravachol et les anarchistes, Paris, Julliard, 1964, p. 11. [Retour au texte]
  9. Andrieux, Louis, À travers la République : mémoires, Paris, Payot, 1926, p. 264. [Retour au texte]
  10. Adoptée en France seulement en avril 1919. Limitée à 12 h en 1848 passe à 10 h en 1900 (loi Millerand). Journée de repos hebdomadaire accordée en 1906. [Retour au texte]
  11. Lettre de Luce à Jean Grave, s.d., I.F.H.S., n°939. [Retour au texte]
  12. Proudhon, Pierre-Joseph, « Adhésion à la banque d’échange » in Mélanges – Articles de journaux (1848-1852), Paris : A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1868, p. 79-80. [Retour au texte]
  13. À François, les troupes d’infanterie de marine ont tiré sans sommation sur les grévistes à une vingtaine de mètres de distance, sans qu’il soit possible d’accuser les grévistes de la moindre provocation, excepté de demander une augmentation de salaire. La fusillade a fait 10 morts et 18 blessés, dont 12 grièvement atteints. [Retour au texte]
  14. Surnom de Gallifet lié à la plaque d’argent qu’il porte au ventre suite à une blessure reçue pendant l’expédition du Mexique en 1863. [Retour au texte]
  15. Dont Emile Pouget fut l’un des illustres représentants. [Retour au texte]
  16. Libertad, Albert, « À nos amis qui s’arrêtent », Les Temps nouveaux, 8 août 1903. [Retour au texte]