Sur son site internet, en février 2025, Aix-Marseille Université (AMU) est présentée comme la « Plus grande université francophone pluridisciplinaire, [qui] accueille 80 000 étudiants et près de 8 000 personnels sur 5 grands campus aux standards internationaux. […] [C’] est une université pluridisciplinaire structurée autour de cinq secteurs disciplinaires répartis sur 17 composantes (facultés, écoles, instituts) et un secteur pluridisciplinaire (comprenant l’ESPE et l’IUT) ».
Quand on commence à y travailler, il faut du temps pour comprendre comment une telle institution est organisée et fonctionne. On apprend à connaître les procédures et les services et, surtout, on se familiarise avec de nombreux acronymes, utiles pour ouvrir une salle de cours et obtenir des financements. Le sentiment d’étrangeté initial s’estompe mais n’est pas remplacé par un amour des sigles. Au contraire, ces derniers évoquent bien souvent des procédures administratives, des outils d’ordre(s) et de classements, des modes de répartition du pouvoir souvent difficiles à comprendre, donc d’autant plus prégnants.
Les acronymes nous gouvernent-ils ? À défaut de pouvoir répondre à cette question avec une analyse sociologique complète, basée sur un large panel d’entretiens, et puisque je ne voulais pas exposer comme universelles des impressions toutes subjectives, j’ai préféré mettre en œuvre une forme plastique qui jouait avec les acronymes.
J’ai trouvé sur internet 1 le « Lexique des acronymes d’Aix-Marseille Université (AMU) », un Vademecum semble-t-il réalisé en juin 2015 par la Dircom (Direction de la communication). S’y trouvent réunis, par ordre alphabétique, plus de 500 acronymes et leur développement. Cette recension m’a fait penser à une liste des observatoires que j’avais également trouvée en ligne et dont j’avais fait une performance de lecture en mars 2019 à Montévidéo (Marseille). Il s’agissait tout simplement de les énumérer, avec une voix neutre, quoique l’enchaînement de la scansion des noms d’observatoires produisait finalement une sorte de rythme qui m’a conduit à durcir ma voix. Je m’inspirais plus ou moins consciemment d’une pièce de Valère Novarina, La chair de l’homme (1995), plus précisément du passage pendant lequel 1739 noms de cours d’eau sont égrenés, sans pause. J’en avais vu une représentation qui m’avait marqué 2, en particulier la performance de la comédienne principale, Catherine Froment, dont le flot de paroles finit par lui faire littéralement apparaître l’écume aux lèvres.
Acroning s’inspire de cette idée, mais la performance sonore est enregistrée et conçue pour être spatialisée dans la galerie de Turbulence, espace central équipé d’une douzaine d’enceintes et de six canaux audio amplifiés indépendamment. Le son a été divisé en six parties, l’une prévue pour une enceinte, recensant sans pause les acronymes, les cinq autres prévues pour cinq autres circuits et se superposant à la première et entre elles, développant les acronymes. Les enregistrements ont été faits en 2023 par Anna Guilló, Pierrick Le Borgne, Jean-Paco Mokhtari, Frédéric Pouillaude et moi-même. C’est donc une œuvre collective. L’enregistrement diffusé en ligne et rattaché à cet article est une réduction stéréo de cette hexaphonie. Le montage a été effectué en février 2025.
Acroning, mp3 stéréo, 10’07, Célio Paillard, 2025. Avec la participation de Frédéric Pouillaude, Anna Guilló, Pierrick Le Borgne et Jean-Paco Mokhtari.
Lien Bandcamp : https://cpaillard.bandcamp.com/album/acroning
- https://mickael-martin-nevot.com/univ-amu/iut/but-informatique/formation/but-informatique-lexique-des-acronymes.pdf [Retour au texte]
- « La Chair de l’homme 52e scène », La Parole errante, 9 décembre 2009. [Retour au texte]