Visages et Nuage Ellipse + Face = Blank, ou l’expérience de l’œuvre vivante régulée par l’œil numérique

Ellipse + Face = Blank est un dispositif interactif montrant un nuage en mouvement et fondé sur la reconnaissance faciale du spectateur. Dans une première partie, il est question de ce qui relie cette œuvre à divers paradigmes esthétiques et artistiques existants, concernant la figure du nuage soumise au cloud computing. Cette première topique se conclut sur la manière dont les artistes travaillent aujourd’hui avec le concept d’image vivante en valorisant des processus de brouillage visuel en milieu instable, qu’ils s’appuient ou pas sur des technologies numériques. La seconde partie de cet article est davantage consacrée à la manière dont Ellipse + Face = Blank permet de penser plus généralement le rapport au savoir à l’ère d’Internet, de l’apprentissage machine et de la vision par ordinateur. Le questionnement critique des œuvres y porte sur les moyens et les finalités de la quête de connaissances aujourd’hui, et sur le visage du spectateur lui-même considéré comme interface.

Jean Arnaud est artiste et professeur des universités en Arts plastiques à Aix-Marseille Université, membre du LESA (Laboratoire d’Études en Sciences des Arts). Il a récemment (co)dirigé plusieurs programmes de recherche et création concernant les formes plastiques narratives contemporaines et les phénomènes actuels de déplacement des images. Ses recherches concernent également les liens entre formes de vie et vie des formes artistiques. Publications récentes : Biomorphisme. Approches sensibles et conceptuelles des formes du vivant (D. Romand, J. Bernard, S. Pic et J. Arnaud (dir.), Naima/PUP, 2023) ; Espaces d’interférences narratives – Art et récit au XXIe siècle (J. Arnaud (dir.), Presses universitaires du Midi, 2018) ; « Le composite comme outil critique », Images et espaces composites, D. Beyrouthy (dir.), Aix-en-Provence, PUP, 2022 (En ligne : [Sens Public]). Jean Arnaud expose régulièrement ses réalisations plastiques (vidéos, dessins, tableaux, installations) en France et ailleurs. Site personnel: http://jeanarnaud.fr

Damien Beyrouthy est artiste-chercheur en Arts plastiques et numériques. Maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille, membre du LESA (Laboratoire d’études en sciences des arts). Dans sa recherche-création, il s’intéresse à la cohabitation avec les images, à la fréquentation des appareils et aux rapports à leurs traces. Cette recherche-création l’amène à régulièrement communiquer, publier et exposer (vidéos, installations et productions numériques) en France et à l’international.

Pour citer cet article : Jean Arnaud et Damien Beyrouthy, « Visages et nuage. Ellipse + Face = Blank, ou l’expérience de l’œuvre vivante régulée par l’œil numérique », publié le 29 février 2024, Revue Turbulences #01 | 2024, en ligne, URL: https://turbulences-revue.univ-amu.fr/01-jean-arnaud-damien-beyrouthy-ellipse-face-blank-ou-experience-de-oeuvre-vivante-regulee-par-oeil-numerique, dernière consultation le 6 octobre 2024.

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Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran.
Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran.

Tout est vivant de la même façon, libre de la même façon, sensible de la même façon, car tout n’est pas vivant, à moitié vivant ou mort, mais plutôt, tout est vécu comme passage (Dick, p. 117).

Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue de l’écran avant l’entrée de la salle sombre, galerie Turbulence, Marseille, 2022.
Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue de l’écran avant l’entrée dans la salle sombre, galerie Turbulence, Marseille, 2022.

Le dispositif plastique Ellipse + Face = Blank 1 est composé de deux éléments visuels : avant l’entrée dans la chambre noire, un petit écran de télé accroché au mur permet de voir ce qui se passe dans la salle où est présentée une vidéo interactive. À l’intérieur de la pièce, la présence du spectateur-acteur a été détectée par une web-caméra avec suivi facial, et, si le visiteur est de face, a déclenché la recherche aléatoire d’une image sur Internet ; cette dernière se combine sur l’écran de projection avec l’image d’un nuage en mouvement. Dans cette animation interactive, l’apparition et la succession des images fragmentées en fuseaux elliptiques verticaux induisent souvent des significations fugaces par leur rencontre fortuite et éphémère. On pourra par exemple se demander pourquoi un bras de femme apparaît par-dessus une image de bateau en acier ; l’ensemble est ensuite recouvert progressivement par une gravure, à laquelle se superposera encore un nuage animé qui va masquer quasiment toute figuration intelligible.

Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran.
Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran.

Ces significations mouvantes amorcent de potentiels récits pour le visiteur. Parallèlement, ce dernier découvre peu à peu que c’est la position et l’orientation de son visage qui permettent l’émergence temporaire de ces images partielles aux formes fusoïdes. En revanche, il lui est impossible de comprendre qu’un choix aléatoire dans une liste de 80 000 mots est utilisé pour faire des requêtes sur un moteur de recherche connu, et que l’image qui apparaît par bribes est le résultat de cette requête, qui sera réitérée selon différents facteurs 2. L’image est puisée dans les bases de données du web, métaphoriquement nommées cloud, cette nébuleuse documentaire indéfinie. L’image est ainsi conditionnée selon un hasard apparent par le nombre de personnes dont le visage est identifié. Si le spectateur détermine par son déplacement le mouvement latéral et la hauteur des fuseaux, c’est la machine qui décide, selon une logique algorithmique qui échappe au regardeur, du contenu iconique ou documentaire émergent dans le nuage.

Cette rapide description du dispositif permet de préciser l’angle analytique dont il sera ici l’objet. Dans une première partie, nous aborderons la spécificité d’Ellipse + Face = Blank en regard de ce qui relie cette œuvre à divers paradigmes esthétiques et artistiques existants, concernant la figure du nuage soumise au cloud computing (informatique en nuage) et la notion d’image vivante. Dans Ellipse + Face = Blank, la représentation biomorphique du nuage interactif est en effet conçue comme résultat d’une régulation programmée de ses formes sous l’autorité d’un œil électronique. Cette première topique se conclut sur la manière dont les artistes travaillent aujourd’hui avec le concept d’image vivante en valorisant des processus de brouillage visuel en milieu instable, qu’ils s’appuient ou pas sur des technologies numériques.

La seconde partie de cet article est davantage consacrée à la manière dont Ellipse + Face = Blank permet de penser le rapport au savoir à l’heure d’Internet, de l’apprentissage machine et de la vision par ordinateur. Le questionnement critique des œuvres y porte sur les moyens et les finalités de la quête de connaissances : quel type de contenu est cherché et trouvé, que se passe-t-il pour l’accès et l’adresse ?

Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue d’exposition, galerie Turbulence, Marseille, 2022.
Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue d’exposition, galerie Turbulence, Marseille, 2022.

Figure du nuage et cloud computing : image vivante, empathie et IA

Lorsque nous avons commencé à travailler sur Ellipse + Face = Blank, une intention première était de jouer avec les représentations du nuage/cloud dans divers domaines (esthétique, cognitif, spirituel, météorologique, électronique, numérique…). Le nuage est un motif dont le caractère métamorphique concerne depuis longtemps les scientifiques et les artistes. On ne réécrira pas ici son histoire matérielle et immatérielle ; on notera simplement qu’en art, il constitue, « un graphe dont les fonctions varient avec l’époque. À l’origine utilisé, à l’imitation des machines de théâtre, pour faire apparaître le sacré dans le réel (ascension du Christ, visions mystiques), il joue un rôle plus ambigu à la Renaissance, au moment où le modèle perspectif assure la régulation » dans le tableau pictural (Damisch, 4e de couv.). Mais depuis le XIXe siècle, le nuage et le brouillard à l’œuvre affirment le plus souvent un refus de l’autorité cristalline, lui préférant, par le flou et le mystère qu’ils instaurent, une valorisation des tâtonnements d’un corps sensibilisé à la découverte de l’autre. De Joseph Turner à Gerhard Richter, le nuage et la brume ont permis aux peintres d’interroger l’émergence de la forme intelligible dans l’espace pictural, aux limites de l’abstraction. Et à partir des années 1960, Robert Morris, Fujiko Nakaya et, plus récemment, Olafur Eliasson (Your atmospheric colour atlas, 2009 3 ), Ann Veronika Janssens 4 ou Laurent Grasso (Projection, 2005 5 ), ont utilisé la densité variable de la nuée dans des œuvres in situ afin de proposer une expérience du corps et de l’esprit dans des espaces incertains et mouvants, merveilleux ou menaçants (Arnaud, 2014).

Ellipse + Face = Blank entend prolonger ces questionnements sur le nuage comme signifiant et signifié à l’ère du cloud computing. Il s’agit d’envisager la manière dont il opère encore « une redistribution critique des domaines et des rôles assignés à l’art, à la science et à l’idéologie dans une structure de représentation » (Damisch, 4e de couv.), dans notre environnement médiatico-industriel aujourd’hui soumis aussi bien au flux excessif d’informations qu’aux images manquantes (Zabunyan, 2012). Nous sommes partis de la capacité d’immersion physique et mentale du nuage tel qu’elle est utilisée depuis le XIXe siècle dans l’art moderne et contemporain : lorsqu’on est confronté à un espace brumeux, réel ou représenté, on doit s’émanciper des repères physiques habituels pour inventer de nouveaux liens spatiaux et cognitifs, car chacun doit y prendre la mesure d’un milieu problématique, sans échelle ou mystérieux 6. Autrement dit, nous avons utilisé dans Ellipse + Face = Blank la puissance scénographique, symbolique et cognitive du nuage, qui voile et dévoile, occulte et révèle parfois simultanément, en la confrontant à celle du cloud, afin d’interroger notre perception sensible du monde et notre accès au savoir en ce début du XXIe siècle.

Dans l’expérience d’Ellipse + Face = Blank, l’image vue sur le mur-écran dépend toujours de deux variables : l’activité du spectateur et celle de la machine qui déterminent ensemble l’image selon des effets de hasard différents et simultanés. À ce propos, on en vient à la seconde topique qui sous-tend ce dialogue biomécanique. Dans les années 2000, Raymond Couchot analysait comment un nouveau mode conversationnel s’est établi dans certaines œuvres d’art depuis les années 1960 entre la machine et l’humain à l’ère du numérique. Notre dispositif est lui aussi composé d’un objet programmé — l’« œuvre-amont » — et d’un objet perceptible résultant de l’interaction du spectateur avec celle-ci, qui change de forme dans le temps, l’ « œuvre-aval ». Ellipse + Face = Blank permet à chaque individu, par sa reconnaissance faciale et ses déplacements devant la web-caméra, d’« ouvrir » le motif opaque du nuage projeté pour accéder à divers champs visuels signifiants, saisis dans le cloud. C’est encore la combinaison de l’œuvre-amont et de l’œuvre-aval qui détermine Ellipse + Face = Blank 7 ; la machine, à laquelle nous confions de plus en plus de nous-mêmes et qui nous ressemble de plus en plus, nous renvoie notre propre visage, nous laissant hésitants entre l’émerveillement et l’effroi face à ce monde où toutes sortes de technologies médiatiques imposent de nouveaux régimes d’accès aux savoirs. Mais paradoxalement, le dispositif d’Ellipse + Face = Blank crée un lien physique et social direct entre les spectateurs-acteurs ; les documents convoqués par le programme au gré des identifications faciales interfèrent en effet entre eux selon les mouvements relatifs et repérables par chacun dans la salle. Le nuage projeté, à la météorologie changeante, devient le lieu imprévisible d’une infinité de récits aléatoires, mais partagés. Autrement dit : par le brouillage qu’il instaure, le nuage neutralise tout effet mécanique manipulatoire, pour plonger in fine le spectateur-acteur dans un espace poétique.

Ellipse + Face = Blank présente  une image vivante et plurielle que le visage-interface du spectateur détermine. D’abord, l’œuvre établit un lien empathique entre ce dernier et les formes plastiques qui se métamorphosent sans cesse. En d’autres termes, cette image se comporte comme une entité mouvante. C’est aussi le cas dans l’exposition réalisée par Pierre Huyghe dans la Grande Halle du Parc des ateliers (Arles, été 2021), (Huyghe, 2021a et 2021b) 8 Cette installation complexe, intitulée After UUmwelt, se compose de deux éléments plastiques en transformation constante : des images animées sur des grands écrans numériques (Mind’s eyes, les yeux de l’esprit) et des artefacts organiques suspendus ou posés au sol. Ici, les images instables sont conditionnées non seulement par la détection faciale des spectateurs, mais aussi par l’activité de diverses espèces vivantes présentes dans les artefacts.

Le mode conversationnel s’établit entre différentes entités — homme, animal, machine — qui induisent les images quasi stroboscopiques de Mind’s eyes.

Une intelligence artificielle reconstruit les images mentales qu’une personne imagine. À partir d’une IRM du cerveau, un signal est récupéré puis confronté à un réseau antagoniste génératif (GAN), lequel tente de deviner les images. Dans After UUmwelt, ce même algorithme continue à générer des images, cette fois en capturant le visage des visiteurs à l’aide d’une reconnaissance faciale, il incorpore l’environnement immédiat des écrans et génère un excès d’image. Un incubateur contenant des cellules cancéreuses, dont le développement varie en fonction de facteurs extérieurs, déclenche l’apparition de ce surplus d’images. (Huyghe, cité par Guy-Denarcy, 2021, n.p.).

[…Il s’agit] d’une coproduction d’imagination entre humain et machine, un imaginaire artificiel. Les images mouvantes […] cohabitent dans une dynamique qui n’est jamais la même. […] Les images mentales reconstruites constituent un médium intéressant pour les pensées spéculatives, même si elles restent une fiction produite par une technologie idéologiquement orientée. [… After UUmwelt] est un écosystème spéculatif. (Huyghe, 2021b, p. 14).

 […]  Ces images vont s’incorporer dans le milieu 9 dans un double mouvement. Il y a poussée vers l’extra-diégétique. (Huyghe, cité par Guy-Denarcy, 2021, n.p.).

À travers ces propos de l’artiste, on comprend que son objectif est de produire une machine fictionnelle autopoïétique (Varela, 1989) 10, et de suggérer une coopération inter-espèces humaine et animales, l’IA étant elle-même considérée comme une espèce.

Ce dispositif génère, tout comme Ellipse + Face = Blank et dans la filiation d’œuvres plus anciennes 11, de nouvelles formes fictionnelles produites selon des gestes partiellement délégués par l’artiste à la machine ;

After UUmwelt ouvre sur la question du monstre organique et mécanique, lequel permet d’échapper aux assignations de genre et de penser autrement ces catégorisations [Haraway, 1984]. Mais il y a une tension qui apparaît entre individuation et indifférenciation, parfois un paradoxe, et c’est ce dilemme qui m’intéresse. (Huyghe, cité par Guy-Denarcy, 2021, n.p.).

Cependant, Pierre Huyghe reconnaît par ailleurs que l’expérience esthétique qu’il propose au spectateur entre réalité et fiction est « produite par une technologie idéologiquement orientée », et ceci à un niveau bien plus directement intrusif pour l’esprit humain que celle qui opère dans Ellipse + Face = Blank. After UUmwelt nous immerge en effet dans un environnement spectral qui laisse imaginer un univers où le vivant est mentalement sous contrôle de la machine. De la fiction artistique à la réalité quotidienne se profile ainsi la matérialisation commerciale et idéologique du rêve de l’industriel américain Elon Musk ; sa société Neuralink développe actuellement le concept d’une connexion directe du cerveau de chacun à un ordinateur en lui insérant des implants, afin de lire, écrire ou mettre en images ce qui s’y passe. Le prétexte déclaré, pour le meilleur, est de pouvoir assister l’humain par la machine dans le soin ou dans l’apprentissage accéléré des connaissances ; mais ce type de technologies pourrait fonctionner pour le pire, c’est-à-dire en implantant des données de toutes sortes dans le cerveau afin d’influencer ou de diriger les comportements en temps réel. La société humaine pourrait alors finalement ressembler, sans un contrôle éthique et politique rigoureux des GAFAM, à ce qui a inspiré à la fin du XXe siècle le fonctionnement de la société interstellaire Borg imaginée dans la série Star Trek-The Next Generation (1987-94), à savoir l’avènement d’un esprit de la ruche où tous les individus sont connectés en permanence à un cerveau électronique central, hégémonique et totalitaire.

On terminera cette première partie de notre article par un contre-exemple, à propos d’une artiste qui élabore elle aussi des images vivantes et nuageuses se modifiant dans le temps de façon autonome, mais selon une démarche opposée à celle de Pierre Huyghe. Dans ses photographies intitulées Absorptions, Delphine Wibaux crée en effet une relation entre émergence et effacement progressif des formes sans aucune assistance numérique 12. Ces photographies mutantes ont été présentées par l’artiste dans l’exposition La Montagne d’or au Château de Servières à Marseille en 2021. Elle y utilise comme Huyghe les caractéristiques biologiques naturelles de certains de ses matériaux, mais  une Absorption est une image végétale chimiquement métamorphique. Elle est réalisée à partir d’une solution naturelle photosensible, préparée à partir de « mauvaises herbes » récoltées par l’artiste. Volontairement non fixées, les Absorptions vivent doucement, s’oxydent et s’éclaircissent lentement au fil des années de manière incontrôlable, interrogeant notre regard, notre perception et notre mémoire. Une fois que l’image aura totalement migré, il restera sur le papier un monochrome jaune pâle. Les temps d’exposition des surfaces sensibles mises au point par Delphine Wibaux sont longs ; la machine autopoïétique qu’elle met en marche dans ses images est biologique, non numérique, et l’artiste est attentive aux signaux naturels faibles. À propos des œuvres de l’artiste, Jean-Christophe Bailly écrit que

Dans un monde d’instrumentalisation généralisée, des occupations comme celle de faire venir par la lenteur des reflets spectraux de lumière lunaire ou de mettre au four des fragments de céramique imprégnés de pigments pour voir comment ils évoluent sont clairement des évasions, des voies de sorties. Et ce que nous voyons, nous, ce sont des traces de ces échappées, les signes vivants de ce recours maintenu à la matérialité du monde phénoménal. (Bailly, 2019, p. 4).

Dans les Absorptions, dont le caractère flou et brumeux s’affirme dans la durée d’une dégradation progressive de l’image, Delphine Wibaux cherche à provoquer le désir d’une perception attentive et directe à l’égard de la connaissance et de la durée du vivant, en dehors de toute instrumentalisation médiatique des savoirs.

Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran, Marseille, 2022.
Jean Arnaud, Damien Beyrouthy, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables. Capture d’écran, Marseille, 2022.

Le visage comme interface. Image vivante, requête et cloud computing

Dans cette deuxième partie, il sera davantage question de l’image vivante à l’heure d’Internet, et du rapport au savoir inédit qu’instaure l’apprentissage machine à l’ère de la vision par ordinateur.

Dans l’expérience d’Ellipse + Face = Blank, nous avons dit que le spectateur ne peut pas savoir qu’une liste de 80 000 mots est utilisée pour faire des requêtes et que l’image apparaît de manière aléatoire, hors de son contrôle. Par extension, ce dispositif actif conduit à se demander comment une requête effectuée par un individu qui accède volontairement ou pas à une information ou à un savoir spécifique sur Internet, est déterminée par un processus électronique d’accès qui n’est pas neutre dans ses effets de pré-formatage des réponses 13. Si on a étudié les comportements apparus après la généralisation de l’usage des moteurs de recherche, on sait que, depuis plus d’une dizaine d’années, nous sommes à l’époque de la requête. Pour le dire avec Geert Lovink, professeur à l’Université d’Amsterdam et fondateur de l’Institute of Network Cultures, la société occidentale est une « société de la requête » dans laquelle la recherche est « frénétique » et à tout propos (Lovink, 2009).

Cette pratique est tellement répandue et récurrente que l’artiste Albertine Meunier a publié son historique de recherche sous forme livresque (My Google Search History, 2011 14 ) et qu’on pourrait considérer ce travail comme une forme d’(auto)biographie. Cela révèle bien entendu les préoccupations du requêteur, mais aussi le rapport à l’interlocuteur qui semble omniscient. Ainsi, le moteur de recherche est souvent comparé à une divinité, du moins à un puits de connaissance illimité (Weizenbaum, 2006). Et on peut lui demander « tout et n’importe quoi ». Il n’est d’ailleurs pas rare qu’on lui demande n’importe quoi. On peut interpréter ce comportement comme activité ludique, mais nous proposons ici de l’envisager autrement.

Si un grand nombre de personnes pose autant de questions si variées aux moteurs de recherche, c’est aussi parce qu’ils supposent un accès à quelque chose d’inconnu ou d’important. En d’autres termes, ils supposent peut-être un accès à une vérité, voire à la vérité. Ne la connaissant pas, autant tâtonner pour en obtenir éventuellement des bribes. Et il nous paraît important de distinguer Internet et ce que propose le moteur de recherche. L’un est en grande partie inutile et inintéressant, quand l’autre répond de manière plutôt pertinente en faisant le tri.

Plus récemment, avec la quantité massive et mouvante de données disponibles dans les clouds, de plus en plus de voix ont avancé l’idée que les données accessibles par le réseau sont le réel 15. Toutes ces requêtes étranges, pour ne pas les qualifier autrement, pourraient ainsi être considérées comme sondages du réel. Ainsi, pourquoi ne pas tout simplement choisir des mots au hasard, voire générer des requêtes aléatoirement pour révéler des bouts de ce réel ? C’est ce qui a guidé partiellement la conception d’Ellipse + Face = Blank comme espace critique.

Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2020-22, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue de l’écran avant l’entrée de la salle sombre, galerie Turbulence, Marseille, 2022.
Damien Beyrouthy, Jean Arnaud, Ellipse + Face = Blank, 2022, projection vidéo interactive, dimensions variables ; vue de l’écran avant l’entrée de la salle sombre, galerie Turbulence, Marseille, 2022.

On pourrait tout à fait interpréter de la sorte une série de l’artiste Grégory Chatonsky réalisée au milieu des années 2000 16. Pour I was (2005), il a choisi deux adjectifs qui sont affichés et servent également à la requête d’images sur Flicker. Régulièrement, un effort mental de mise en corrélation permet de tirer des significations de ce qui a priori n’en a pas. On peut faire une analyse similaire pour Ellipse + Face = Blank.

Cependant, un glissement de croyance s’est opéré entre le milieu des années 2000 et aujourd’hui. La requête passe maintenant par l’apprentissage machine et le mythe de l’intelligence artificielle a fait son chemin. Par cela, le moteur de recherche a renforcé une de ses compétences : la prédiction. On peut toujours lui demander tout et n’importe quoi, mais on peut aussi lui demander de prédire l’avenir. Et les réponses aux coups de sonde seront maintenant augmentées de prédictions. La réactivation de la série de Grégory Chatonsky permettrait également de lire les résultats de cette manière.

Pour Ellipse + Face = Blank, un degré de mystère supplémentaire est présent, car on ne sait pas quel mot a été utilisé. De ce fait, les apparitions de fragments d’images seraient davantage de l’ordre d’un délire de Pythie que d’une prédiction articulée ; voire, si nous considérons que nous sommes dans un accès au réel, l’interprétation d’augures (climat, forme du nuage, vol d’oiseau…).

Quoi qu’il en soit, la figure du moteur de recherche, et plus largement de l’ordinateur comme devin, est aujourd’hui renforcée et se manifeste de multiples manières. Du côté de l’art, on peut penser à la création récente et humoristique de Zach Blas, Icosahedron 17 (2019), qui répond aux questions en précisant le futur de la prédiction. Sans anthropomorphisation, on peut également penser à Predictive Art Bot 18 (2017) de disnovation.org 19, qui pioche des mots clés dans divers journaux pour ensuite générer des projets artistiques sous forme de phrases. Le champ des prédictions dépasse maintenant largement la météorologie.

Par ailleurs, un type de requête semi-consciente tend à se développer dans de multiples machines : par le visage. Dans Ellipse + Face = Blank, il faut que la caméra capte un visage et que son orientation vers l’écran soit suffisamment prononcée. Tourner la tête déclenche l’apparition des bribes d’image, la détourner les fait disparaître. Le même procédé est proposé par l’artiste Timo Toots avec Reality TV 20 (2017) où un rectangle de suivi du visage apparaît si un passant regarde son reflet dans le miroir qu’il longe. Et Kyle McDonald avec Sharing faces 21 (2013) utilise également l’analyse du visage pour donner accès à des images de visage. L’expression, l’orientation, le type de visage sont pris en compte pour les apparitions.

Ce qui rassemble ces trois productions repose sur le visage comme interface d’accès. Ainsi, le visage n’est plus seulement un objet social (Zilio, 2018), culturellement construit ; il devient également un outil, un écran. Son contrôle et sa discipline sont maintenant nécessaires pour diverses opérations avec la machine.

Dans cette deuxième partie, la réflexion à partir d’Ellipse + Face = Blank a permis d’observer quelques déplacements à l’œuvre dans le rapport au savoir — voire au réel — et au corps. On pourrait les résumer rapidement de la sorte : 1) un déplacement de la prise en considération des machines interrogées — base de données, savant et devin ; 2) un entremêlement entre faits, prédictions, interprétations et connaissances ; 3) une requête automatisée : celle-ci se ferait par la machine qui évaluerait les indicateurs, le comportement et anticiperait les requêtes et les besoins — le comportement, principalement celui du visage, serait la requête.

Conclusion

La première partie de cet article envisageait les transformations de notre rapport au savoir à travers une nouvelle relation visage / nuage assistée par la machine et confrontée au cloud. Ellipse + Face = Blank tend à montrer qu’aujourd’hui, la figure ambiguë du nuage accompagne une acception nouvelle de l’« autorité cristalline », que Damisch attribuait à la régulation opérée autrefois par le modèle perspectif et qui serait aujourd’hui assurée par une régulation algorithmique.

Cette première partie soulignait également que la perception de l’image comme être vivant ne se développe pas aujourd’hui pour tous les artistes selon une démarche critique nécessitant un recours aux technologies numériques. Si dans UUmwelt, Pierre Huyghe propose au spectateur une œuvre assistée par une technologie qu’il accepte comme « idéologiquement orientée », nous avons vu que Delphine Wibaux refuse radicalement toute médiation des savoirs selon une quelconque régulation électro-numérique ou algorithmique. En d’autres termes, une transformation du rapport au sensible, aux effets de brouillage signifiants et au savoir semble aujourd’hui pouvoir se jouer à plusieurs niveaux dans nos relations à l’image vivante.

Dans la seconde partie de ce texte, nous avons plutôt envisagé comment, plus largement et au-delà de la notion d’image vivante, certaines propositions artistiques contemporaines, souvent fondées sur la requête, interrogent notre rapport au savoir lorsque l’interlocuteur machinique se charge peu à peu de rôles plus vastes (sujet supposé savoir, savant, devin…) ; la constitution de ces savoirs est de plus en plus trouble ; les moteurs de recherche sont organisés par les requêtes précédemment collectées et l’apprentissage machine puise dans une base de données aux contours et à la fiabilité indéfinis, constituée par des humains et des machines avant d’être organisée par des robots logiques… La relation à ce nuage aforme est de moins en moins consciente (interface dite intuitive, réactions aux comportements…), à tel point que la requête pourra être interprétée avant qu’elle ne soit formulée. La teneur de la réponse n’est pas plus facilement délimitable : opinion trouvée au hasard, résultat d’un traitement massif de données, loi résultant d’un long processus scientifique, concept philosophique… Ce déplacement se joue également dans la mise en œuvre de trois types de méthodologies qui se croisent peut-être davantage aujourd’hui : la méthode expérimentale/inférentielle chère aux sciences, les méthodes statistiques de l’apprentissage machine ne se basant pas sur des hypothèses de départ, et enfin le champ dit des pseudo-sciences servant à la prédiction. Ces méthodes, qui laissent, chacune à leur manière, le réel à distance tout en prétendant y donner un accès direct, sont aujourd’hui interrogées, voire dénoncées dans leurs finalités, par les artistes.

Merci à Kevin Niemeskern pour son aide précieuse concernant la programmation d’Ellipse + Face = Blank.

Références

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Bailly, J. C. (2019). Delphine Wibaux, Art-o-Rama Marseille, J. Pantalacci (dir.). Art+.

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Damisch, H. (1972). Théorie du nuage. Seuil.

Guy-Denarcy, L. (2021). Pierre Huyghe : “J’espère que l’œuvre se situe en amont du langage”. Dans AOC, 24 juillet 2021. URL : https://aoc.media/entretien/2021/07/23/pierre-huyghe-jespere-que-loeuvre-se-situe-en-amont-du-langage/

Dick, P.K. (1998). Conférence « Hommes, androïdes et machines » (1976). Dans Si ce monde vous déplaît… et autres écrits. L’Éclat.

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Pierre Huyghe. (2021a). Catalogue d’exposition Serpentine Galleries, Londres & Fondation Luma, Arles. Koenig Books.

Rouvroy, A. & Berns, T. (2010). Le nouveau pouvoir statistique. Ou quand le contrôle s’exerce sur un réel normé, docile et sans événement car constitué de corps “numériques”… Dans Multitudes, 40 (1), 88‑103. URL :https://doi.org/10.3917/mult.040.0088

Rouvroy, A. & Berns, T. (2013). Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation. Le disparate comme condition d’individuation par la relation ? Dans Réseaux, 177 (1), 163‑196. URL : https://doi.org/10.3917/res.177.0163

Uexküll, J. v. (1934/1965). Mondes animaux et monde humain. Denoël. Rééd. 2010 : Milieu animal et milieu humain. Rivages.

Varela, F. J. (1989). Autonomie et connaissance. Essai sur le vivant. Seuil.

Watsuji, T. (1935/2011). Fûdo. Le milieu humain. CNRS.

Weizenbaum, J. (2006). Wo sind sie, die Inseln der Vernunft im Cyberstrom ? Auswege aus der programmierten Gesellschaft (Où sont les îles de la raison dans le flot numérique ? Comment sortir de la société programmée ?). Herder Freiburg.

Zabunyan, D. (2012). Les images manquantes. Ouverture. Dans Les carnets du Bal 03 – Les images manquantes (D. Zabunyan, dir.). Images en manœuvres / Centre national des arts plastiques.

Zilio, M. (2018). Faceworld. Le visage au XXIe siècle. PUF.

  1. Face: visage. Blank: vide, vierge ou formulaire.[]
  2. Un compteur est lancé quand le public est immobile, absent ou quand aucun fuseau n’est affiché. Quand le délai de charge est atteint, une nouvelle requête peut être lancée si un visage de face est repéré par le programme de suivi de visage (à partir d’un mot choisi au hasard). Si aucun des trois critères n’est modifié ou qu’aucun interacteur n’est repéré de face, aucune nouvelle requête n’est effectuée. []
  3. Voir « Olafur Eliasson’s “Your Atmospheric Colour Atlas”», ARoS, 2014. URL :https://www.youtube.com/watch?v=fvaZbckpfuM . Consulté le 15 décembre 2023.[]
  4. Voir « Ann Veronica Janssens Interview : Passion for Light », Louisiana Channel, 2017. URL : https://www.youtube.com/watch?v=oFu6XQlFX2E Consulté le 10 décembre 2023.[]
  5. Voir « Laurent Grasso ». URL : https://vimeo.com/444729375 . Consulté le 15 décembre 2023.[]
  6. « Le “mystère” n’est pas seulement celui, partiel et variable, dont les nuages et les brouillards sont l’instrument, mais le mystère continu, permanent, qui correspond, dans tous les espaces, à l’infinité des choses. » (Damisch, p. 261).[]
  7. « L’œuvre interactive est composée d’un objet programmatique rigoureusement défini et fini dans ses fonctions éventuelles que j’appellerai “l’œuvre-amont”, et, d’autre part, d’un objet perceptible, résultant de l’interaction du spectateur avec l’œuvre-amont, susceptible de se renouveler infiniment dans le temps, l’“œuvre-aval”. L’œuvre complète est l’association conversationnelle — l’hybridation — de l’œuvre-amont et de l’œuvre-aval dans ses éventuelles et multiples actualisations. » (Edmond Couchot, n.p.).[]
  8. Voir « Pierre Huyghe : After UUmwelt », 2021 : URL : https://www.luma.org/fr/arles/notre-programme/event/after-uumwelt-748387ec-b0d1-4366-ab40-793f3cfc7373.html  Consulté le 13 novembre 2023.[]
  9. « Milieu » est à entendre dans les sens définis par Jakob von Uexküll (1934), Tetsurō Watsuji (1935) ou Augustin Berque (2000).[]
  10. « Un système autopoïétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits, et qui (b) constituent le système en tant qu’unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau » (Varela, 1989, p. 45).[]
  11. Rappelons que dès les années 1960, le GRAV (Groupe de Recherche d’Arts Visuels, 1960-68) en France et l’EAT (Experiments in Art and Technology) aux États-Unis (fondé par Robert Rauschenberg en 1966), développent déjà de telles connivences ou conversations arts/sciences/technologies.[]
  12. Voir site personnel de Delphine Wibaux. URL : http://delphinewibaux.fr; voir aussi Documentsd’artistes.org. URL : https://www.documentsdartistes.org/artistes/wibaux/repro.html . Consultés le 12 octobre 2023.[]
  13. On pourra ici se référer à la pensée fondatrice de Vilém Flusser à propos des effets décisifs de la pré-programmation des appareils photographiques qui détermine finalement l’image. (Flusser, 1984).[]
  14. Voir «  My Google Search History », 2011. URL :  https://www.albertinemeunier.net/livre-my-google-search-history/ Consulté le 11 décembre 2023.[]
  15. Voir les développements théoriques sur la « gouvernementalité algorithmique » d’Antoinette Rouvroy dans divers articles (Rouvroy, 2010 et 2013).[]
  16. Voir « Gregory Chatonski. I was », 2005. URL : http://chatonsky.net/i-was/. Consulté le 13 novembre 2023.[]
  17. « Icosahedron is an artificially intelligent crystal ball that predicts the future of prediction ». Voir  « Zach Blas, Icosahedron », 2019. URL: https://zachblas.info/works/icosahedron/ . Consulté le 13 octobre 2023.[]
  18. Voir URL : http://predictiveartbot.com/ . Consulté le 28 novembre 2023.[]
  19. Voir URL : http://disnovation.org/index.php Consulté le 10 décembre 2023.[]
  20. Voir «  Reality TV », 2017. URL : https://www.timo.ee/realitytv/ . Consulté le 13 novembre 2023.[]
  21. Voir une documentation vidéo de l’installation ; URL : https://vimeo.com/96549043 ; le code source du projet : https ://github.com/kylemcdonald/SharingFaces ; le site de l’artiste mentionnant ce travail : https://kylemcdonald.net/ . Consulté le 13 novembre 2023.[]